* Olivier Dassault, "chouchou" du fondateur Marcel Dassault

* Une famille "légitimiste", un cadet remis à sa place

* Un "conseil des sages" pour le présent et l'avenir

par Cyril Altmeyer et Emmanuel Jarry

PARIS, 31 janvier (Reuters) - Olivier Dassault est le favori pour succéder le moment venu à son père Serge à la tête du groupe familial éponyme, fleuron de l'industrie aéronautique et de défense française, estiment des sources proches de l'entreprise.

Si le porte-parole du Groupe industriel Marcel Dassault, Rudi Roussillon, assure que la question "n'est pas à l'ordre du jour", Serge Dassault a bel et bien envoyé un signal clair en ce sens en décembre 2011, en portant l'aîné de ses quatre enfants à la présidence du conseil de surveillance du GMID.

L'âge du patriarche - il aura 88 ans le 4 avril - les échos de dissensions dans la fratrie, notamment entre le cadet Laurent Dassault et Olivier, son frère député UMP, et les interrogations récurrentes sur l'avenir du groupe sur fond de restructurations industrielles en Europe, ont cependant suscité des questions.

Des questions écartées par de bons connaisseurs des arcanes de cet empire fondé par le père de Serge, Marcel, qui pèse 10 milliards d'euros et emploie 18.000 personnes dans l'aviation d'affaires, les avions de combat, l'électronique de défense, la presse, l'immobilier, le marché de l'art et les vignobles.

"Olivier Dassault est probablement la personne pour qui ce sera le plus naturel de succéder à son père", estime l'un d'eux. "C'est une question de psychologie familiale. Ils sont très légitimistes. Le jour où il faudra désigner un successeur, je vois mal comment ils ne désigneraient pas l'aîné."

"Olivier avait été choisi par le grand-père, il est normal qu'il soit choisi par son père et, quoi qu'en pensent ses frères et soeur, il sera un jour ou l'autre appelé à devenir président du groupe familial", renchérit un proche de la famille.

Ce qui n'exclut pas qu'il soit alors "accompagné", pour la gestion du groupe, par un "conseil de sages" de cinq membres, très proches à la fois de la famille et de l'entreprise, qui jouent aujourd'hui un rôle consultatif auprès de Serge Dassault.

PROGLIO PARMI LES "SAGES"

Il s'agit notamment de Charles Edelstenne, qui vient de quitter son poste de PDG de Dassault Aviation - le constructeur du Rafale - pour devenir, à 75 ans, directeur général du GIMD, dans le bureau voisin de celui du PDG Serge Dassault au siège du groupe, Rond-Point des Champs-Elysées, à Paris.

Appartiennent aussi à ce conseil le patron d'EDF, Henri Proglio, le notaire de la famille, Bernard Monassier, un financier également très proche du clan, Gérard Limat, et un ancien dirigeant du groupe, Philippe Hustache.

"Ce sont des personnalités qui connaissent bien l'histoire, les sensibilités et les subtilités de la famille et apportent un éclairage pertinent en fonction de la situation. Aujourd'hui comme demain", explique Rudi Roussillon à Reuters.

Un familier de la saga familiale confirme qu'Olivier Dassault, aujourd'hui âgé de 61 ans - âge auquel son père à succédé à Marcel Dassault - était le "chouchou" de ce dernier.

"C'est vrai qu'il y avait une très grande connivence entre Olivier et Marcel Dassault, ne fut-ce que parce que Serge ne s'entendait pas très bien avec son père", souligne-t-il.

Laurent Dassault, 59 ans, directeur général délégué du GIMD comme le troisième garçon de la fratrie, Thierry, a tenté récemment de s'imposer comme le successeur potentiel de leur père mais l'opération a tourné au fiasco.

Dans un entretien diffusé en octobre, après l'échec de la tentative de fusion EADS-BAe , il s'est prononcé pour la création d'une entité "France Aérospace" regroupant Dassault Aviation, Thales, Safran et Zodiac.

"Je suis numéro deux. J'ai une place impossible. Je vais faire en sorte que cette place devienne possible", avait-il ajouté dans cette interview à DécideursTV, précisant avoir le soutien de son frère Thierry et de leur soeur Marie-Hélène.

"ENTENTE FAMILIALE"

Rudi Roussillon avait alors déclaré que Laurent Dassault n'avait pas été mandaté pour faire de telles déclarations et que ses propos, "strictement personnels", n'engageaient que lui.

Charles Edelstenne a estimé en décembre que l'idée de fusion évoquée était à oublier. Et, selon une source proche du groupe, Laurent Dassault a été à tout près d'être sévèrement sanctionné.

"Ce qu'il a proposé, la fusion au sein d'un pôle aéronautique français, ne correspondait en rien à la politique de la famille et du groupe", souligne cette source.

Quant à le voir succéder à son père, cette hypothèse semble également totalement écartée, même sous la forme d'un binôme avec son frère Olivier.

"Ce n'est pas du tout dans la culture de la maison", souligne un familier du groupe et de la famille. "Marie-Hélène et Thierry ne cherchent absolument pas à se placer pour la succession. Il n'y aurait que Laurent qui pourrait y penser mais ce n'est pas possible (...) Laurent Dassault n'a aucune chance."

Ce dernier n'a pas souhaité répondre aux questions de Reuters.

Rudi Roussillon dément aujourd'hui les rumeurs de tension dans la fratrie et assure que l'ambiance est à l'entente.

"Il n'y a pas d'inquiétude à avoir, ni pour aujourd'hui ni pour demain", dit ce proche conseiller de Serge Dassault. "La famille sait se rassembler quand il le faut."

Olivier Dassault, élu dans la circonscription qui fut celle de son grand-père, dans l'Oise, ingénieur diplômé de l'Ecole de l'air et lui-même pilote, se garde bien d'en rajouter.

"Mon père va très bien et nos relations sont aujourd'hui au beau fixe", se borne-t-il à dire quand on l'interroge sur son avenir et celui du groupe familial. (Edité par Yves Clarisse)

Valeurs citées dans l'article : DASSAULT AVIATION, DASSAULT SYSTEMES, EADS, BAE Systems plc, EDF