PARIS, 8 janvier (Reuters) - Une association de victimes de l’amiante et ses avocats ont annoncé mardi leur intention de déposer dans les prochaines semaines une citation directe collective au parquet de Paris, pour sortir ces dossiers de l’impasse judiciaire dans laquelle il s’enlise plus de 22 ans après les premières plaintes.

L’Association des victimes de l’amiante et des autres polluants (AVA) et Mes Eric Dupond-Moretti et Antoine Vey espèrent rallier à leur initiative des milliers de victimes de l’amiante aux dossiers dispersés et obtenir le procès pénal que leur refusent jusqu'ici les magistrats instructeurs.

"Cette citation directe visera les principaux responsables au niveau national du scandale de l'amiante - industriels, scientifiques, syndicalistes, fonctionnaires, lobbyistes - qui ont tenté entre 1982 et les années 1990 de repousser de manière concertée l'interdiction de l'utilisation de l'amiante", a expliqué à Reuters Me Antoine Vey.

La Cour de cassation a validé en décembre l'annulation de la mise en examen de huit de ces responsables dans les dossiers du campus de l'université parisienne de Jussieu et des chantiers navals Normed de Dunkerque.

Ces personnalités ont fait partie entre 1982 et 1995 du Comité permanent amiante (CPA), accusé par les parties civiles d'être le lobby des industriels.

Les parties civiles ont engagé une course contre la montre dans une affaire tentaculaire dont certains protagonistes, sans parler des victimes, sont déjà morts.

La citation directe permet de contourner une instruction laborieuse dont les parties civiles redoutent qu'elle se solde par un non-lieu général. A condition cependant d'apporter elles-mêmes les preuves des infractions qu'elles dénoncent.

"Là c'est nous qui poursuivons et devons apporter les preuves, et des preuves nous en avons", a dit à Reuters Michel Parigot. "Nous avons vraiment travaillé pour que la citation soit recevable. Nous sommes raisonnablement sûrs d'y parvenir."

Selon lui, la citation directe visera un nombre plus important de personnes, "potentiellement entre dix et 30", et d'infractions. Elle pourrait donner lieu à un procès d'ici un an à 18 mois, a-t-il précisé à Reuters.

L'amiante a fait des dizaines de milliers de victimes en France. Elles meurent encore au rythme de 2.000 à 3.000 chaque année, 23 ans après l'interdiction de ce produit cancérogène, selon les estimations.

A cela s'ajoutent tous les ans plusieurs milliers de dossiers d'indemnisation, selon Michel Parigot, qui évalue le nombre total de décès dus à l'amiante entre 120.000 et 180.000.

Cette citation directe collective "permettra un débat contradictoire et public sur le scandale de l'amiante", espère pour sa part Me Antoine Vey.

L'AVA résulte de la fusion du Comité anti-amiante Jussieu, présidé par Michel Parigot, et de l'association régionale des victimes de l'amiante Nord-Pas-de-Calais, dont le président, Pierre Pluta, est aussi partie prenante dans cette initiative. (Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)