* Une police "sur mesure" et "mieux équipée", dit Collomb

* Pas une "police de proximité" bis, promet le gouvernement

* Les policiers veulent impliquer la justice

par Emmanuel Jarry

PARIS, 7 février (Reuters) - Le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, présente jeudi ce qui pourrait bien être la réforme du quinquennat en matière de police, dans l'espoir de résoudre une équation à laquelle aucun de ses prédécesseurs n'a trouvé de solution.

La "police de sécurité du quotidien" (PSQ), promise par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, est censée remédier à une insécurité et un sentiment d'impuissance publique persistants, notamment dans les quartiers dits "sensibles", tout en renouant un lien avec la population là où il a disparu.

Gérard Collomb a promis une police "sur mesure", "mieux équipée", "plus connectée", travaillant avec les acteurs locaux (élus, commerçants, associations) et libérée des "tâches indues" qui nuisent à l'efficacité des policiers et des gendarmes.

Cette réforme devrait aller notamment de pair avec une simplification des procédures pénales, réclamée par les syndicats de policiers, qui constatent notamment une crise des vocations chez les officiers de police judiciaire.

L'idée fait ainsi son chemin d'une "forfaitisation" de certaines infractions, comme la consommation du cannabis à laquelle les policiers consacrent aujourd'hui 1,2 million d'heures par an, selon le ministère de l'Intérieur.

Emmanuel Macron a pour sa part promis plus d'autonomie pour les échelons locaux, en matière de conduite de la politique de sécurité, ce qui sera une des nouveautés de cette réforme.

Celle-ci concerne aussi la gendarmerie car "tout le monde aura de la PSQ" à terme, y compris en zone rurale, même si elle est déployée dans un premier temps dans quelques dizaines de territoires jugés prioritaires, fait-on valoir au ministère.

DÉMINER

La première vague ne comprendra cependant pas que des "zones sensibles", pour pas donner le sentiment que la PSQ est une "police des banlieues", ajoute-t-on de même source.

À la veille de la présentation de la réforme, les syndicats de policiers, qui ont transmis leurs propositions, n'en savaient guère plus et se montraient dubitatifs.

Les uns, comme Alternative Police, disent craindre que le gouvernement "déshabille Pierre pour habiller Paul", malgré la perspective de 10.000 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes sur la durée du quinquennat.

D'autres, comme Alliance, font de la suppression des "tâches indues" imposées aujourd'hui aux policiers un préalable. Tous insistent sur la nécessité de "déminer" les quartiers les plus sensibles afin de préserver les chances de succès de la PSQ.

"La PSQ ne réussira que si on met préalablement tous les moyens pour régler les problèmes des quartiers difficiles et éradiquer le noyau dur de la délinquance", a ainsi déclaré à Reuters Denis Jacob, secrétaire général d'Alternative Police.

Un avis partagé par la procureure de Bobigny, Fabienne Klein-Donati, dans le département le plus criminogène de France.

"Il y a certains endroits en Seine-Saint-Denis où (la PSQ) n'a pas de sens", a-t-elle dit à France Inter mardi. "D'abord il faut essayer de rétablir l'ordre, c'est-à-dire faire en sorte que les policiers, la justice, les services publics, puissent rentrer dans des conditions normales dans ces quartiers."

RÉPONSE PÉNALE

Elle a aussi admis que la PSQ ne serait pas efficace sans une véritable "justice de proximité" dotée de moyens adéquats, rejoignant ainsi une autre revendication des policiers.

"Tant qu'il n'y aura pas une réponse pénale ferme et adaptée, toute action policière est vouée à l'échec", explique ainsi Patrice Ribeiro, du syndicat Synergie.

Ce n'est pas le seul écueil.

Pour alléger la charge de travail des policiers, Gérard Collomb envisage de confier aux sociétés de sécurité privées des missions exercées par la police et la gendarmerie.

Mais dans son rapport annuel, la Cour des comptes critique la régulation insuffisante de ces sociétés, une "fiabilité aléatoire" et un "contrôle trop peu rigoureux de la moralité et de l'aptitude professionnelle" de leurs salariés.

Tout le monde s'accorde en tout cas sur le fait que la PSQ ne peut être un simple avatar de la "police de proximité" créée en 1998 par le gouvernement de Lionel Jospin et abolie en 2003 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur.

"On ne va pas aller serrer des mains", souligne Frédéric Lagache, du syndicat Alliance. "Pour nous, ce doit être une police de dissuasion qui marie répression et prévention." (Edité par Yves Clarisse)