* Amende de 1.500 euros, délit de racolage public abrogé

* Vif débat en France et au sein des partis politiques

* Une promesse de campagne de François Hollande

* 68% des Français contre une condamnation du client, selon CSA (Avec report du débat, sondage)

PARIS, 27 novembre (Reuters) - Les députés français entament cette semaine l'examen de la proposition de loi socialiste visant à renforcer la lutte contre la prostitution, une promesse de campagne de François Hollande qui fait l'objet d'un vif débat et au sein même des partis.

La discussion, qui s'annonce animée et devait commencer ce mercredi, est reportée à vendredi en raison du retard pris dans l'examen de la loi de programmation militaire. Le vote solennel aura lieu mercredi 4 décembre.

La proposition de loi portée par les députées socialistes Maud Olivier et Catherine Coutelle abroge le délit de racolage public et sanctionne d'une amende le recours à une prostituée.

La commission spéciale mise en place à l'Assemblée pour examiner ce texte a adopté mercredi un amendement PS-UMP-Front de Gauche qui aggrave la sanction en cas de récidive.

L'infraction constituera une contravention punie d'une amende de 1.500 euros. En cas de récidive, elle deviendra un délit puni d'une d'amende de 3.750 euros, au lieu de 3.000.

La proposition de loi vise à améliorer les mesures de protection et de réinsertion en faveur des personnes prostituées en leur facilitant l'accès à un titre de séjour, à un soutien financier et à un logement.

"On change le regard sur la personne prostituée", a dit mercredi la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem. "On arrête de la voir comme coupable (...), car la personne prostituée est une victime."

"En revanche, celui que l'on considère comme responsable de cette prostitution, au-delà du proxénète que l'on continue à poursuivre, c'est celui qui a recours à cet acte sexuel tarifé."

En France où, selon le rapport rédigé par Maud Olivier, environ 20.000 personnes se prostituent, dont 85% de femmes, les mesures contenues dans la proposition de loi ne font pas l'unanimité parmi les prostitué(e)s et dans la classe politique.

RÉSERVES

"Sur les sujets de société il est toujours difficile de prétendre à une unanimité", a souligné Thierry Mandon, porte-parole du groupe PS, devant la presse parlementaire. "On peut en faire un objectif mais il y a des questions de conscience, de culture personnelle, de sensibilités personnelles qui parfois empêchent tel ou tel de voter les textes."

"Il est très probable que nous n'ayons pas l'unanimité", a-t-il ajouté, jugeant toutefois "qu'une très forte majorité du groupe socialiste votera ce texte".

Mi-novembre, le ministre de l'Intérieur Manuel Valls avait émis des réserves sur la suppression du délit de racolage public et sur la pénalisation de l'achat de services sexuels, soulignant notamment les difficultés que rencontreraient les forces de l'ordre "pour administrer la preuve" de cet achat.

Au-delà des rangs socialistes, la question divise les autres groupes parlementaires, dont Europe Ecologie-Les Verts.

Invité sur RTL mercredi matin, le co-président du groupe EELV à l'Assemblée nationale François de Rugy a annoncé qu'il voterait contre la proposition de loi en l'état tout comme "la majorité du groupe écologiste."

"Il faut en finir avec cette politique de l'affichage, ces postures idéologiques avec des relents moralisateurs", a ajouté le député de Loire-Atlantique, qui juge une loi inutile.

"Plus on maintient les prostituées dans la clandestinité, et cette loi va encore aggraver les choses, et plus on les met dans les mains des mafieux", a-t-il dit.

"ABSTENTION POSITIVE"

Cette position va à l'encontre de celle affichée par le président du groupe EELV au Sénat, Jean-Vincent Placé, ou la maire de Montreuil, Dominique Voynet, qui soutiennent le texte.

Les députés UMP sont partagés et les élus pourraient s'orienter "vers une abstention positive". A l'UDI, on indique que la liberté de vote sera laissée aux députés.

Selon un sondage réalisé mardi et mercredi par CSA pour BFM TV auprès de 951 personnes, 68% des Français sont opposés à une condamnation judiciaire des clients des prostituées, contre 32% d'avis favorables.

Une pétition volontairement provocatrice a été lancée contre la proposition de loi. Intitulée "Touche pas à ma pute" et signée par "les 343 salauds", cette initiative a suscité une forte polémique en France.

Certaines organisations de prostituées défendent la liberté de disposer de son corps et des associations, comme Act up ou Médecins du monde, jugent que la pénalisation aggraverait la situation des prostituées de rue.

Un rassemblement est prévu vendredi à Paris pour réclamer l'abolition de la prostitution en France à l'appel d'une association féministe.

Selon un sondage TNS Sofres publié fin octobre, seuls 22% des Français sont favorables à l'instauration d'une amende. Le "stage de sensibilisation" du client, une piste également prévue par le texte, est perçu positivement par 38% des Français. (Marine Pennetier, Emile Picy et Elizabeth Pineau, avec Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)