par Myriam Rivet

PARIS, 12 avril (Reuters) - Emmanuel Macron, désireux de rassurer l'électorat de gauche en vue du deuxième tour de l'élection présidentielle qui l'opposera à Marine Le Pen le 24 avril, a réaffirmé mardi sa volonté de "discuter" de son projet de réforme des retraites, tandis que son adversaire dénonçait une "manoeuvre" électorale.

Le président sortant s'est dit lundi ouvert à la discussion sur son projet de réforme des retraites - qui prévoit notamment un report progressif à 65 ans de l'âge légal de départ à la retraite lors d'un entretien accordé à BFM TV, en marge d'un déplacement dans les Haut de France, région dans laquelle son Marine Le Pen, est arrivée en tête des suffrages dimanche.

"Mon projet reste mon projet, je ne vais pas vous dire ici que je change d'avis du jour au lendemain, par contre je suis ouvert à la discussion et je suis prêt à avoir des clauses de revoyure", a précisé Emmanuel Macron mardi Emmanuel Macron mardi en marge d'un déplacement à Mulhouse (Haut-Rhin), où Jean-Luc Mélenchon est arrivé en tête à l'issue du premier tour.

"Il y a un point d'horizon qui est de 65 ans en 2031 mais s'il n'y a pas d'accord là-dessus et que je sens que ça crispe trop, je suis prêt à avoir des clauses de revoyure", a-t-il ajouté en précisant qu'il "garde les intangibles qui sont de pouvoir avoir un décalage de quatre mois par an" dans les cinq ans à venir.

"Je veux tout de suite en discuter avec les forces politiques et avec les forces syndicales et pouvoir voir ce qu'on fait", a-t-il expliqué en signalant qu'il "dirai(t) dans les jours qui viennent" le résultat de ces discussions.

Après avoir échoué à réformer le système des retraites lors du quinquennat écoulé, le président sortant reste déterminé à mener cette réforme s'il est reconduit pour un deuxième mandat.

"Ce n'est pas vrai qu'on peut financer notre modèle social si on n'allonge pas", a-t-il lancé mardi lors de ses échanges avec des habitants de Mulhouse en expliquant qu'une telle réforme était indispensable pour permettre notamment de financer la dépendance et d'instaurer comme il le souhaite un niveau plancher des retraites, à 1.100 euros pour une carrière complète.

Le président sortant avait défendu lors de la campagne de 2017 une réforme des retraites visant à instaurer un système universel et à supprimer les régimes spéciaux mais ce projet, qui a entraîné un mouvement social d'ampleur fin 2019-début 2020, a été reporté sine die au moment de la crise sanitaire et économique liée à la pandémie de COVID-19, avant d'être définitivement abandonné.

LE RN ÉVOQUE UNE MANOEUVRE, LFI VEUT DES ENGAGEMENTS

Avant même les précisions apportées ce mardi par Emmanuel Macron, son adversaire du second tour, Marine Le Pen, a jugé que les concessions suggérées par le président sortant ne relevaient que de la manoeuvre électorale.

"C'est une manoeuvre de la part d'Emmanuel Macron pour tenter de récupérer ou en tout cas d'atténuer l'opposition des électeurs de gauche", a déclaré la candidate du Rassemblement national mardi matin sur France Inter.

"Il n'y a rien à attendre d'Emmanuel Macron dans ce domaine, il ira jusqu'au bout de cette obsession car en réalité la retraite à 65 ans c'est son obsession (...) et il a été fort marri lors du dernier quinquennat de ne pas pouvoir aller au bout de cette réforme", a-t-elle ajouté.

Un argument également relayé par Jordan Bardella, qui assure l'intérim à la présidence du Rassemblement national pendant la campagne présidentielle de Marine Le Pen.

"Evidemment le fait de modérer son argumentation là-dessus vient probablement de l'approche du second tour de l'élection présidentielle", a dit Jordan Bardella sur France 2.

Selon lui, le président sortant "s'aperçoit probablement (que cette mesure) est d'une brutalité sociale absolument inouïe, qu'elle va peut-être empêcher une partie de la gauche de se reporter sur lui au second tour au profit du Rassemblement national, donc il décide de faire machine arrière".

Arrivé en tête du premier tour dimanche avec 27,7% des suffrages exprimés, Emmanuel Macron a besoin de convaincre une partie des électeurs de gauche, et notamment de ceux de Jean-Luc Mélenchon, candidat de l'Union populaire arrivé troisième avec 21,95% des voix.

D'autant que Marine Le Pen, arrivée deuxième avec 23,15% des voix, devrait bénéficier d'un report massif des voix des électeurs d'Eric Zemmour (quatrième avec 7,07% des suffrages exprimés), appelés par leur candidat à la soutenir au deuxième tour.

Mais pour le directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon, Manuel Bompard, les "aménagements" suggérés par le président de la République restent insuffisants.

"Pour l'instant (...) moi je n'ai pas compris où il était prêt à aller", a-t-il dit mardi matin sur Public Sénat en appelant Emmanuel Macron à dire "clairement les choses" et à prendre des "engagements" fermes, par exemple sur la question d'un référendum sur la réforme des retraites - une éventualité que le président sortant a dit ne pas exclure.

"Si Emmanuel Macron veut tenir compte de la configuration particulière de ce deuxième tour, c'est-à-dire du fait que pour l'emporter, il doit avoir des électeurs qui se portent sur lui (...) alors qu'ils n'adhèrent pas à son projet, il doit accepter l'idée que sur un certain nombre de sujets il doit s'en remettre aux Françaises et aux Français."

(Rédigé par Myriam Rivet, avec la contribution de Bertrand Boucey, édité par Sophie Louet)