SAN FRANCISCO, 9 août (Reuters) - Un service de courriels codés, considéré comme ayant été utilisé par Edward Snowden, a brusquement fermé jeudi sans explication, son propriétaire semblant toutefois suggérer avoir préféré le fermer plutôt que de permettre aux autorités américaines d'avoir accès à ses clients.

"J'ai été contraint de prendre une décision difficile : devenir complice de crimes contre le peuple américain ou quitter près de dix années de dur labeur en fermant Lavabit", déclare son propriétaire, Ladar Levison, dans une lettre publiée sur le site internet de la société.

Ladar Levison précise qu'il a décidé de "suspendre" Lavabit mais qu'il n'a pas le droit de parler des événements des six dernières semaines qui l'ont conduit à prendre sa décision.

Cela correspond à la période où le nom d'Edward Snowden, l'ancien consultant de la National Security Agency (NSA), a été rendu public comme la source des informations parues dans la presse sur le programme secret Prism de la NSA visant à surveiller les télécommunications téléphoniques et par internet.

Le département de la justice n'a pas fait de commentaire.

Lors d'une conférence de presse à Moscou il y a près d'un mois, une membre de l'association Human Rights Watch avait indiqué avoir été contacté par Snowden à partir d'une adresse email Lavabit, selon le site d'information GlobalPost.com.

La déclaration de Lavabit suggère qu'il est soumis à une obligation de silence. Selon des juristes, cette obligation pourrait concerner toute une série de demandes d'informations. Le gouvernement pourrait être à la recherche de versions codées des mails de Snowden, d'autres informations à son sujet, de moyens techniques de décrypter ses futurs courriels ou ceux d'autres clients ou d'informations de base sur la totalité des utilisateurs de Lavabit.

La décision de fermer une activité légitime plutôt que de se conformer à une demande de renseignements de l'Etat est très rare aux Etats-Unis, voire sans précédent, estime Kurt Opsahl, avocat auprès de la Fondation pour la liberté électronique, une association de San Francisco.

Ladar Levison semble décidé à se battre. Il dit que sa société a commencé à constituer un dossier pour un recours devant une Cour d'appel en Virginie.

"Tout cela nous apprend la même leçon : pratiquement rien de ce que nous faisons sur internet ne peut être soustrait à l'espionnage du gouvernement", a déclaré Michael Ratner, un avocat qui a travaillé pour WikiLeaks, un site spécialisé dans la divulgation d'informations et dont les dirigeants soutiennent Edward Snowden. "Si l'on veut parler en privé, il faut prévoir les rencontres dans de grands parc avec une couverture végétale importante." (Joseph Menn; Danielle Rouquié pour le service français)