Emmanuel Macron, pensez-vous qu’il faille promouvoir l'investissement boursier des particuliers ? 

EM : "De manière générale, il est souhaitable que l’épargne des Français vienne autant que possible financer l’économie réelle, l’innovation, les transitions. L’enjeu qu’elle vienne soutenir les projets vertueux et notre croissance est d’autant plus capital que la crise sanitaire a permis aux ménages d’accumuler une « sur-épargne » importante.

L’investissement boursier des particuliers doit être valorisé car il participe à répondre à cet enjeu et permet d’intéresser chacun à la réussite de nos entreprises et au partage de la valeur créée. La réduction d’impôt dite « Madelin » associée aux investissements dans les PME, dont le taux vient de passer de 18 à 25%, ou encore le régime fiscal du PEA, que nous avons assoupli, permettent d’inciter les particuliers à investir. Cela étant-dit, il est essentiel d’également continuer de sensibiliser aux risques de pertes et d’assurer que l’investissement, intermédié ou non, est le fruit d’une décision éclairée.

Il reste que l’investissement direct des particuliers ne saurait suffire et c’est surtout en travaillant sur l’assurance vie, les livrets et l’épargne salariale qu’il est possible d’assurer un lien entre l’épargne et le financement de l’économie. C’est une des raisons pour laquelle nous proposons d’avoir obligatoirement un dispositif de partage des profits avec les salariés dans les entreprises qui versent des dividendes (prime dite « Macron » ou participation ou intéressement)."

Comment rediriger la manne financière vers la durabilité au sens large (environnement ET social) ? Comment faire en sorte de créer un RÉEL ruissellement des richesses vers les populations et les services publics ? Qu’il s’agisse d’épargne, de dividende, ou de plus-values. 

EM : "Le ruissellement ne se fait pas naturellement : l’incitation, et parfois la contrainte, sont inévitables pour s’assurer que les investisseurs (particuliers ou non) s’orientent en priorité vers l’économie durable et locale. Les leviers sont nombreux et d’ordres divers.

D’abord, comme je l’évoquais, selon que l’épargne est placée sur un livret, dans une assurance vie, dans un plan d’épargne spécifique comme le PEA ou le PEE, ou encore confiée à un fonds d’investissement, son utilisation est soumise selon un certain nombre de règles et notamment de quotas afin d’orienter les investissements autant que possible vers une économie durable. Nous devons continuer d’activer et améliorer ces leviers.

Ensuite, il y a la sensibilisation des investisseurs. C’est ce que nous avons fait avec l’initiative One Planet Summit Sovereign Wealth Funds, qui réunit fonds souverains, gestionnaires d’actifs et fonds de capital-investissement. On le voit, à la demande de leurs actionnaires, beaucoup d’entreprises cotées adaptent leurs comportements pour mieux prendre en compte les critères ESG. L’enjeu est désormais la transparence et la fiabilité de l’information pour identifier les entreprises les plus vertueuses. L’Union européenne est à la pointe en matière de normes extra-financières et d’obligations de transparence grâce à la directive CSRD que nous faisons avancer dans le cadre de la Présidence française. Il faut poursuivre les efforts en ce sens. Je souhaite par exemple que la rémunération des dirigeants de grandes entreprises dépende obligatoirement du respect d’objectifs en matière d’ESG.

Enfin, il y a les sanctions contre les entreprises dont les comportements ne sont manifestement pas sensibles aux incitations. Par exemple, nous avons créé un index de l’égalité professionnelle et les entreprises qui s’obstinent à voir l’égalité femme-homme comme une option doivent être sanctionnées financièrement, ce qui sera une désincitation à l’investissement. De la même manière, la mise en place d’une taxe carbone aux frontières de l’UE est une manière de désavantager les entreprises qui ne respectent pas les normes environnementales que nous imposons à nos acteurs."

PEA : Comptez-vous conserver ou modifier la fiscalité liée au PEA ? 

EM : "La loi PACTE a donné plus de flexibilité sur le montant maximal des versements ou les titres éligibles. Aujourd’hui, la fiscalité de l’épargne a besoin de stabilité et il n’est pas prévu de modifier les règles relatives au PEA."

Il reste encore en UE des paradis fiscaux, les scandales révélant les évasions massives sont récurrents, que proposez-vous ?

EM : "L’évasion et la fraude fiscales, qu’elle qu’en soit l’échelle, doivent être combattues sans relâche : elles créent des distorsions de concurrence et des injustices insupportables et minent les finances publiques.

Nous avons beaucoup avancé sur ces questions, y compris au niveau européen et international. Je ne veux pas dresser une liste exhaustive, par exemple, nous avons supprimé une vielle règle qui permettait à Bercy de ne pas transmettre les dossiers de fraude fiscale à la justice pénale, et nous avons même rendus cette transmission automatique pour que les fraudeurs soient systématiquement poursuivis. Au niveau européen, les banques et les cabinets de conseil sont désormais dans l’obligation de déclarer les schémas d’optimisation fiscale et un échange automatique d’informations est organisé entre les administrations européennes. A l’international, nous avons porté et obtenu un accord historique pour que les multinationales paient toujours au moins 15% d’impôts sur les sociétés.

La lutte contre les paradis fiscaux en particulier a également connu des avancées importantes grâce à la pression internationale et aux sanctions que nous imposons aux pays récalcitrants. Au-delà de la question fiscale, il y a celle de l’opacité (notamment bancaire) qui entrave la lutte contre la fraude le crime international en général. Je suis déterminé à continuer ce combat et être absolument intransigeant."

Quel cadre fiscal et légal faut-il appliquer aux crypto-monnaies ? 

EM : "Sur ce sujet, j’ai défendu une ligne équilibrée en adaptant les règles pour défendre une fiscalité juste et protéger les épargnants, tout en faisant preuve de souplesse pour ne pas brider l’innovation et les nouveaux usages. La loi de finances pour 2022 a encore clarifié le cadre fiscal des crypto-actifs. Nous avançons vers un cadre stable et simple. Je me félicite également de voir des acteurs français s’imposer au niveau mondial dans le domaine des crypto-actifs, comme Ledger ou Sorare, et d’attirer sur notre territoire des grands acteurs étrangers pour leur implantation.

Il faut néanmoins rester vigilant à l’impact environnemental de ces nouvelles technologies et à ce que l’attrait pour les crypto-actifs ne prive pas notre économie réelle des financements dont elle a besoin."

Le programme intégral d'Emmanuel Macron