* Sessions dénonce des mensonges "détestables"

* Refuse de révéler le contenu de conversations privées avec Trump

* Les démocrates l'accusent de faire obstruction (Actualisé tout du long)

par Julia Edwards Ainsley et Patricia Zengerle

WASHINGTON, 14 juin (Reuters) - Le ministre américain de la Justice, Jeff Sessions, a qualifié mardi de "mensonges épouvantables et méprisables" les allégations sur son éventuelle collusion avec la Russie lors de la campagne présidentielle américaine de 2016 et refusé de décrire ses conversations privées avec le président.

Lors d'une audition publique de près de deux heures et demi, l'Attorney General et ex-conseiller de campagne de Donald Trump a multiplié les échanges houleux avec les membres démocrates de la commission du Renseignement du Sénat, qui le pressaient de restituer certaines de ses conversations avec le président.

"Vous avez levé votre main droite ici aujourd'hui et avez juré solennellement de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité", a déclaré le démocrate Martin Heinrich. "Maintenant vous ne répondez pas aux questions. Vous faites obstruction à cette enquête."

L'Attorney General a refusé de dire s'il avait discuté avec le président de la gestion de l'enquête sur la Russie faite par le directeur du FBI James Comey, avant son renvoi le 9 mai.

Jeff Sessions s'est déclaré incompétent en mars dans toutes les investigations en cours ou à venir sur une possible intervention russe dans la campagne électorale, après avoir admis des contacts avec l'ambassadeur russe à Washington.

Alors que les sénateurs tentaient de savoir si Trump avait exprimé une quelconque inquiétude quant à sa décision de se récuser de l'enquête, il n'a pas non plus fourni de réponse.

Les sénateurs l'ont également interrogé en vain sur d'éventuelles discussions au département de la Justice sur l'octroi de la grâce présidentielle à des personnes visées par l'enquête.

La communauté américaine du renseignement estime que le Kremlin a tenté d'influencer le résultat de la présidentielle en faveur de Trump, ce que ce dernier dément, tandis que le président américain a réfuté de son côté toute collusion de ses équipes de campagne avec Moscou.

"Je pense que le peuple américain en a assez de l'obstruction. Les Américains ne veulent pas entendre que les réponses aux questions pertinentes sont confidentielles", a dit à Sessions le sénateur démocrate Ron Wyden.

"Je ne fais pas obstruction", a répondu le ministre de la Justice, ajoutant que, selon la politique de son département, il ne discuterait pas de ses communications confidentielles avec le président.

"MENSONGE ÉPOUVANTABLE ET DÉTESTABLE"

Le sénateur indépendant Angus King a interrogé l'assise légale de son refus de répondre, ce à quoi Sessions a répondu que Donald Trump n'avait pas invoqué le privilège exécutif pour protéger les conversations entre les deux hommes.

Le principe du privilège exécutif permet au président des Etats-Unis de refuser de divulguer des informations à d'autres branches du gouvernement.

"Il serait à mon avis inapproprié que je réponde et révèle des conversations privées avec le président, alors qu'il n'a pas eu l'occasion d'examiner les questions et de prendre la décision d'approuver ou non une telle réponse", a-t-il déclaré.

Le président de la commission, le républicain Richard Burr, a demandé au ministre de la Justice de solliciter la Maison blanche, afin de savoir si des responsables pourraient l'autoriser à s'exprimer sur le sujet, notamment par écrit.

L'Attorney General était entendu dans le cadre de l'enquête parlementaire sur une possible ingérence des autorités russes afin de favoriser le candidat républicain lors du scrutin de novembre.

"Je n'ai jamais rencontré ou eu de conversations avec un quelconque représentant russe ou étranger concernant une quelconque ingérence dans une campagne ou une élection aux Etats-Unis", a déclaré Jeff Sessions.

"Mieux, je n'ai eu connaissance d'aucune conversation de ce type par quiconque appartenant à la campagne de Trump", a poursuivi le ministre de la Justice.

"Suggérer que j'ai participé à une collusion ou que j'ai été informé d'une collusion avec le gouvernement russe afin de nuire à ce pays que je sers avec honneur depuis 35 ans ou afin d'affaiblir l'intégrité de notre processus démocratique est un mensonge épouvantable et détestable", a-t-il poursuivi.

INDÉPENDANCE

La déposition de l'Attorney General intervient dans un contexte de rumeurs entourant le possible limogeage du procureur spécial Robert Mueller, désigné mi-mai par le département de la Justice pour poursuivre de manière indépendante l'enquête conduite par le FBI.

Jeff Sessions a affirmé qu'il ne prendrait aucune initiative visant à remplacer le procureur Mueller. Ce dernier a été désigné par l'Attorney General adjoint, Rod Rosenstein, qui a été entendu plus tôt dans la journée par les sénateurs.

L'audition de Rod Rosenstein par les sénateurs avait pour but de déterminer le degré d'indépendance dont Robert Mueller dispose dans cette enquête.

"Le directeur Mueller bénéficiera de toute l'indépendance dont il a besoin pour mener l'enquête d'une manière appropriée", a déclaré Rod Rosenstein, ajoutant qu'il fallait "oublier" les spéculations.

Le numéro 2 du département de la Justice est désormais le seul habilité à mettre fin à la mission de Robert Mueller.

Juriste de renom et ancien directeur du FBI de 2001 à 2013 après avoir été brièvement Attorney General adjoint, Robert Mueller est un fonctionnaire respecté par les élus républicains et démocrates ayant démontré son indépendance à l'égard des différentes administrations qu'il a servies.

Interrogé par la commission du Sénat, Rod Rosenstein a estimé mardi qu'il n'y avait aucune raison de remettre en cause le mandat de Robert Mueller et a affirmé qu'il prendrait aucune décision en ce sens sans bonne raison.

(Pierre Sérisier et Julie Carriat pour le service français)