20 janvier 2022

Réunion des 15 et 16 décembre 2021

Compte rendu de la réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne qui s'est tenue à Francfort-sur-le-Main le mercredi 15 et le jeudi 16 décembre 2021

1. Examen des évolutions financières, économiques et monétaires et des options possibles

Évolutions sur les marchés financiers

Mme Schnabel a procédé à l'examen des évolutions intervenues sur les marchés financiers depuis la précédente réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs des 27 et 28 octobre 2021 et a replacé ces évolutions dans le contexte plus large de la stabilité financière, conformément au résultat de l'évaluation de la stratégie de la BCE.

En réaction à la découverte du variant Omicron, les marchés boursiers mondiaux ont subi des pertes significatives. Le volume des options de vente sur l'EuroStoxx 50 a atteint son plus haut niveau depuis l'apparition de la pandémie de coronavirus (COVID-19) en mars 2020, les investisseurs cherchant à se protéger contre de nouvelles pertes. Dans le même temps, le rendement des bons du Trésor américain à dix ans et le rendement pondéré du PIB des obligations souveraines à dix ans de la zone euro sont presque revenus aux points bas observés au cours de l'été. Ils ont été bien inférieurs aux niveaux enregistrés lors de la réunion du Conseil des gouverneurs d'octobre.

Ces évolutions sur les marchés financiers peuvent être interprétées de deux manières. La première interprétation est que le marché s'attendait à ce que le variant Omicron exerce un impact nettement plus important sur l'activité économique que les mutations précédentes. Toutefois, les données fondées sur des modèles présentant une décomposition en fonction des chocs de la baisse récente des rendements des OIS à dix ans dans la zone euro n'ont attribué qu'une partie de la diminution des rendements à une détérioration des perspectives économiques. De même, moins d'un tiers de la

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En cas de question, la version anglaise fait foi.

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baisse prononcée récente des prix du pétrole a probablement reflété une réévaluation des perspectives de croissance mondiale.

La seconde interprétation des évolutions récentes sur les marchés financiers a trait aux conditions de marché fragiles qui prévalaient quand la nouvelle de l'apparition du variant Omicron est intervenue. Depuis mi-octobre 2021, la volatilité sur les marchés obligataires a fortement augmenté et les conditions de liquidité sur les marchés de produits dérivés s'est significativement détériorée, amplifiant la réaction des marchés à la nouvelle de l'apparition du variant Omicron.

Deux facteurs ont contribué à cette fragilité de l'environnement de marché. Le premier a été la conviction croissante parmi les investisseurs que la période de faible inflation était terminée et qu'au niveau mondial, la politique monétaire devrait être resserrée plus précocement que ce qui avait été prévu plus tôt en 2021. Le second a été la sensibilité des marchés financiers à de tels changements dans les perspectives de la politique monétaire après des années de politique monétaire très accommodante.

Aux États-Unis, les marchés évaluent à présent la probabilité d'une hausse des taux d'intérêt lors de la réunion de la Réserve fédérale de mai 2022 comme bien supérieure à un sur deux. La probabilité d'une hausse dès mars 2022 est estimée à un sur trois. Dans la zone euro, en revanche, les anticipations d'un « relèvement » - une première hausse des taux - ont été repoussées dans le temps par rapport à la précédente réunion du Conseil des gouverneurs des 27 et 28 octobre 2021. Toutefois, les anticipations d'un relèvement des taux sont restées beaucoup plus proches qu'elles ne l'étaient lors de la réunion du Conseil des gouverneurs des 8 et 9 septembre 2021, et elles sont également devenues moins volatiles. De plus, l'écart qui s'était creusé à l'automne entre les anticipations d'un relèvement des taux intégrées par les marchés et celles indiquées par les participants à l'enquête auprès des analystes monétaires (SMA) est en cours de résorption. Dans l'enquête SMA, l'anticipation médiane d'un relèvement des taux a été avancée de deux trimestres supplémentaires, passant du deuxième trimestre 2024 au quatrième trimestre 2023 - seulement trois trimestres plus tard que ce qui était intégré par les marchés alors que l'écart était de six trimestres en octobre 2021.

La divergence dans les cycles attendus pour la politique monétaire a continué d'exercer une pression

  • la baisse significative sur le taux de change de l'euro vis-à-vis du dollar. L'euro s'est déprécié de nouveau de près de 3 % vis-à-vis du dollar depuis la précédente réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs et il est actuellement inférieur de 8 % à son pic de fin mai 2021. La forward guidance de la BCE est demeurée un facteur essentiel à l'origine de la divergence entre les cycles attendus pour la politique monétaire. Même si la relation entre l'inflation anticipée et les taux directeurs anticipés s'est légèrement renforcée depuis la réunion du Conseil des gouverneurs des 8 et 9 septembre 2021, elle est restée significativement plus faible qu'avant la pandémie de Covid-19.
    De même, si l'on considère la relation entre les taux directeurs anticipés et les surprises en matière d'inflation dans l'ensemble des économies avancées, la zone euro a clairement fait figure d'exception,

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avec un cumul de surprises à la hausse significatives s'agissant de l'inflation qui ont exercé un impact limité sur les anticipations relatives aux taux directeurs.

Néanmoins, l'incertitude entourant la trajectoire future des taux d'intérêt directeurs s'est accrue, dans la zone euro également, ce qui a contribué à la hausse de la volatilité du marché. La distribution des risques entourant l'Euribor 3 mois s'est légèrement resserrée par rapport à la précédente réunion du Conseil des gouverneurs des 27 et 28 octobre 2021. Toutefois, elle est restée nettement plus importante qu'en juillet et clairement orientée à la hausse. La distribution des risques laisse penser que les investisseurs sont préoccupés par le fait que l'incertitude élevée entourant les perspectives d'inflation pourrait signifier que les conditions de la forward guidance de la BCE pourraient être remplies plus tôt que prévu actuellement.

Ce point de vue est corroboré à l'examen des taux des swaps indexés sur l'inflation. Même si ceux-ci ont baissé ces dernières semaines par rapport à leurs points hauts pluriannuels, la courbe à terme actuelle des swaps indexés sur l'inflation dans la zone euro est restée proche de la cible de 2 %. Elle se situe bien au-dessus du niveau qui était attendu avant la pandémie de Covid-19. Les marchés d'options, eux aussi, ont continué d'intégrer une probabilité importante que l'inflation dépasse la cible de la BCE. Ils ont suggéré une probabilité de 10 % environ que l'inflation au cours des cinq prochaines années soit, en moyenne, supérieure à 3 %, et une probabilité de 40 % environ qu'elle soit supérieure à 2 %.

Afin de comprendre dans quelle mesure le marché est sensible à un choc tel qu'Omicron, il est important d'examiner les expositions au risque que les investisseurs avaient accumulées auparavant, lorsqu'ils prévoyaient que les taux à court terme et la volatilité resteraient durablement faibles. Sur les marchés boursiers, les fonds « actions » mondiaux ont collecté plus de fonds en 2021 qu'au cours des deux décennies précédentes cumulées, ce qui a contribué à pousser les indicateurs de la valorisation des actions vers les queues de la distribution historique ou au-delà du 75e percentile, en particulier aux États-Unis, mais aussi dans la zone euro. Les vulnérabilités se sont fortement accrues dans le secteur non bancaire. Par exemple, le risque de liquidité, le risque de crédit et le risque de duration des fonds d'investissement de la zone euro ont tous augmenté significativement depuis le début de la pandémie de Covid-19.

De même, sur les marchés des obligations souveraines et des obligations d'entreprises de la zone euro, les primes de risque de crédit ont été fortement comprimées au cours des derniers mois, en dépit d'un levier beaucoup plus élevé. Les perspectives d'une hausse des taux sans risque ont entraîné une remontée des primes, quoiqu'à des degrés divers, les spreads demeurant généralement bien inférieurs aux niveaux observés avant la pandémie. De plus, avec la volatilité élevée et une forte demande d'actifs sûrs, les rendements obligataires ont effectivement baissé dans la plupart des États membres de la zone euro depuis la réunion du Conseil des gouverneurs d'octobre et sont sinon restés proches de leurs niveaux d'octobre. Les spreads n'ont augmenté qu'en raison d'une forte baisse des

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rendements du Bund allemand, qui ont eux-mêmes baissé beaucoup plus fortement que le taux OIS. Le spread entre le rendement du Bund à dix ans et le taux OIS est revenu en dessous des niveaux exceptionnels observés au plus fort de la pandémie en mars 2020.

Ces évolutions ont mis en évidence la demande exceptionnelle d'actifs sûrs, l'incertitude relative aux perspectives de la politique monétaire s'étant accrue. Du côté de l'offre, le « flottant » disponible des obligations dans la zone euro a diminué pour s'établir à des niveaux très bas. En conséquence, il y a eu une détérioration graduelle et persistante de la liquidité du marché obligataire dans la plupart des juridictions de la zone euro. Le Conseil des gouverneurs a décidé récemment de doubler la limite agrégée appliquée aux liquidités que les contreparties peuvent mobiliser dans le cadre du programme de prêts de titres de l'Eurosystème. Cette mesure a soutenu la liquidité sur les marchés des pensions (repo) à un moment où la demande de garanties augmentait et où l'offre était limitée.

Environnement international et évolutions économiques et monétaires dans la zone euro

M. Lane a procédé à l'examen de l'environnement international et des évolutions économiques et monétaires récentes dans la zone euro.

S'agissant de l'environnement extérieur, les données de l'indice des directeurs d'achat (PMI) ont signalé un certain ralentissement de l'économie mondiale au troisième trimestre 2021, en raison des restrictions liées à la Covid-19 et des perturbations des chaînes d'approvisionnement. Les dernières données issues du PMI ont fait état d'une nouvelle amélioration au quatrième trimestre - en particulier dans les services, mais moins dans le secteur manufacturier. Les goulets d'étranglement du côté de l'offre ont continué de limiter l'activité et les échanges commerciaux au niveau mondial. Depuis la réunion de politique monétaire du Conseil des gouverneurs d'octobre, les prix du pétrole ont fortement baissé (- 12 %), reflétant à la fois des effets de demande et d'offre. Le taux de change de l'euro a fléchi seulement modestement en termes effectifs nominaux (- 0,4 %), mais a baissé de manière visible vis-à-vis du dollar américain (- 3 %). Les prix du gaz ont augmenté dans un contexte de volatilité accrue, tandis que les prix des métaux ont poursuivi leur tendance baissière.

S'agissant des évolutions de l'activité dans la zone euro, durant le confinement du premier

trimestre 2021, on a continué de noter un écart substantiel entre le PIB et son niveau d'avant la crise. Toutefois, une grande partie de cet écart - mais pas la totalité - a été comblée au troisième trimestre 2021. En 2021 une part importante de la reprise a été tirée par la consommation privée, en lien avec le redressement des dépenses des ménages consacrées aux services, qui a suivi la reprise intervenue plus précocement dans le secteur manufacturier.

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Les contraintes d'offre ont changé de nature au fil du temps et ont continué de peser sur l'activité. Les entreprises manufacturières ont souffert des pénuries de matériaux et d'équipements. Selon l'enquête dans l'industrie réalisée par la Commission européenne, ces pénuries se sont aggravées au quatrième trimestre 2021. Le manque de main-d'œuvre qualifiée est devenu une préoccupation dans certaines parties du secteur manufacturier et du secteur des services.

La croissance du revenu disponible s'est accélérée entre le premier et le troisième trimestre - reflétant un redressement important du revenu réel. Mais une baisse du revenu réel est attendue au quatrième trimestre, en lien avec la hausse récente des prix de l'énergie. Cela implique une réduction notable du revenu disponible réel des ménages par le biais d'un effet termes de l'échange, susceptible de freiner les dépenses de consommation à court terme.

S'agissant de l'investissement immobilier résidentiel, la confiance est restée soutenue, mais les contraintes au niveau de l'offre ont joué un rôle croissant. L'investissement en autres machines et équipements a dépassé les niveaux d'avant la pandémie depuis le premier trimestre 2021, tandis qu'au troisième trimestre, l'investissement en matériel de transport était toujours nettement inférieur aux niveaux observés avant la pandémie. Selon l'enquête sur l'accès des entreprises au financement (SAFE), la part des entreprises déclarant qu'elles avaient obtenu des financements pour des investissements en capital fixe au cours de la dernière période de six mois a continué d'augmenter et a atteint un niveau supérieur à la moyenne d'avant la pandémie.

La reprise est restée soutenue sur le marché du travail. Même si le taux de chômage a poursuivi sa baisse pour s'établir à 7,3 % en octobre, niveau observé avant la crise, les dispositifs de maintien de l'emploi ont continué de soutenir le marché du travail. Les calculs des services de la BCE ont indiqué que le taux de chômage s'établirait autour de 9 % si les travailleurs bénéficiant de ces dispositifs étaient additionnés aux chômeurs. De plus, la population active a continué d'augmenter légèrement, mais est restée inférieure aux niveaux d'avant la crise. L'emploi et les heures travaillées ont augmenté au troisième trimestre, mais sont restés inférieurs aux niveaux d'avant la crise, avec des variations d'un pays à l'autre. Cette évolution indique que le marché du travail est loin d'être revenu à la normale. Le taux de vacance d'emploi pour l'ensemble de l'économie a atteint 2,6 % au troisième trimestre, son plus haut niveau depuis le début de la série de données. Cette augmentation a concerné l'ensemble des secteurs et a reflété la forte demande de main-d'œuvre.

Les projections de décembre 2021 établies par les services de l'Eurosystème tablent sur une forte reprise de l'activité économique, en dépit de certaines révisions à la baisse à court terme en raison des goulets d'étranglement du côté de l'offre et de la nouvelle vague de la pandémie. Pour 2021, ces projections envisageaient une croissance économique de 5,1 %, contre 3,9 % dans les projections de décembre 2020. Selon ces projections, l'inflation devrait rester plus élevée durant une période plus longue en raison des prix élevés de l'énergie et des décalages entre l'offre et la demande. Mais le scénario reste celui d'une dissipation des goulets d'étranglement au fil du temps.

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Banque de France published this content on 20 January 2022 and is solely responsible for the information contained therein. Distributed by Public, unedited and unaltered, on 20 January 2022 14:10:04 UTC.