Le groupe des sept pays et l'Union européenne réfléchissent à la manière d'utiliser les bénéfices générés par les avoirs russes immobilisés en Occident pour accorder dès maintenant à l'Ukraine un prêt initial important et garantir le financement de Kiev pour 2025.

CONCEPT DE BASE

Environ 260 milliards d'euros de fonds de la banque centrale russe sont gelés dans le monde entier, la plupart dans l'UE. Ces fonds génèrent des bénéfices de 2,5 à 3,5 milliards d'euros par an, qui, selon l'UE, ne sont pas contractuellement dus à la Russie et représentent donc une aubaine. L'idée, défendue par les États-Unis, est d'utiliser ces bénéfices comme une source de revenus régulière pour assurer le service d'un prêt important de 50 milliards de dollars qui pourrait être levé sur le marché. La Russie affirme que tout détournement des bénéfices provenant de ses fonds gelés équivaudrait à un vol.

CALENDRIER

De hauts fonctionnaires européens estiment qu'un accord sur un tel prêt lors du sommet du G7 (États-Unis, Canada, Japon, Grande-Bretagne, France, Allemagne et Italie), qui se tiendra du 13 au 15 juin, enverrait un signal fort d'unité derrière Kiev à la veille d'une conférence internationale sur l'Ukraine qui se tiendra en Suisse. Il garantirait également à Kiev un financement pour l'ensemble de l'année 2025, quel que soit le vainqueur de l'élection présidentielle américaine du 5 novembre.

PRINCIPALES OPTIONS

Selon de hauts fonctionnaires européens, les discussions se concentrent de plus en plus sur deux options, en fonction de la personne qui emprunterait l'argent pour l'Ukraine, avec différents détails à régler en fonction du choix.

LES ÉTATS-UNIS EMPRUNTENT POUR PRÊTER À L'UKRAINE

Selon le premier scénario, soutenu par une majorité de pays de l'UE, les États-Unis lèveraient l'argent sur le marché et l'Union européenne donnerait à Washington l'assurance que les bénéfices inattendus seraient disponibles pour rembourser l'emprunt américain.

Cette option présente l'avantage d'être rapide et de ne pas créer de nouvelles obligations pour les pays européens en termes de dette commune, ce qui est important pour un groupe de pays de l'UE dirigé par l'Allemagne.

Le principal problème est l'étendue et la forme des assurances dont Washington a besoin, et qui garantirait, et dans quelle mesure, le remboursement de cet emprunt, en particulier en cas de restructuration de la dette ukrainienne ou d'évolution des taux d'intérêt qui pourraient bouleverser les calculs initiaux.

De nombreux gouvernements de l'UE souhaitent que les pays du G7 participent au partage des risques, éventuellement proportionnellement à la taille de leur PIB.

Les avoirs russes étant gelés en Europe en vertu d'un régime de sanctions qui doit être renouvelé à l'unanimité par les 27 gouvernements de l'UE tous les six mois, Washington craint qu'un veto de la Hongrie, proche du Kremlin, ne bloque l'argent. Washington souhaite que le régime de sanctions soit modifié en conséquence.

Des diplomates ont déclaré que la Hongrie souhaitait que la question de l'utilisation des bénéfices soit examinée par les dirigeants de l'UE les 27 et 28 juin.

L'UE EMPRUNTE POUR PRÊTER À L'UKRAINE

L'autre option générale est que l'UE emprunte elle-même l'argent pour l'Ukraine, en garantissant le remboursement des obligations avec de l'argent provenant du budget de l'UE.

Le principal avantage est que l'ensemble du processus reste interne : l'UE peut utiliser les bénéfices exceptionnels comme elle le souhaite et il n'est pas nécessaire de modifier le régime de sanctions pour contourner la Hongrie, car un prêt au titre du cadre de l'assistance macrofinancière de l'UE est approuvé à la majorité qualifiée, et non à l'unanimité.

L'inconvénient est que le processus serait long car il nécessiterait l'accord du Parlement européen. Le nouveau Parlement européen ne sera élu que le 9 juin et ne se constituera qu'en juillet, avant une pause estivale qui durera tout le mois d'août. Obtenir l'accord du Parlement prendrait donc de nombreux mois. L'autre inconvénient, aux yeux de certains pays de l'UE, est que cette option ferait peser tous les risques liés à l'emprunt sur les pays de l'UE, les rendant conjointement responsables du remboursement, une idée qui déplaît particulièrement à Berlin. (Reportage de Jan Strupczewski, édition de Peter Graff)