« On n'a jamais autant travaillé, mais c'était une période humainement très riche ! » Comme beaucoup de militants, Pascal Sourget n'oubliera pas de sitôt le 14 mars, lorsque l'ex-Premier ministre Édouard Philippe annonçait la fermeture des cafés et restaurants à minuit. Délégué syndical et coordinateur CFDT chez Accor Invest (qui assure la prestation hôtellerie de l'ensemble des enseignes du groupe Accor), ce militant chevronné a aussitôt appelé le directeur de son hôtel pour organiser le travail. « En une nuit, nous avons basculé du service en salle au service dans les chambres ; quelques jours plus tard, nous fermions presque tous les établissements. »

La négociation en amont d'un accord de chômage partiel

Si brutale que fut l'annonce, les représentants des salariés s'attendaient à cette éventualité et avaient commencé à s'y préparer. Moins d'une semaine auparavant, les organisations syndicales concluaient à l'unanimité un accord de chômage partiel qui fixait l'indemnité des salariés à 90 % du salaire net (le minimum fixé par la loi étant de 84 %). « Les chiffres de l'entreprise étaient mauvais depuis le début de l'année. À Paris, nous subissions déjà l'absence de la clientèle chinoise, explique Pascal. Notre direction était d'ailleurs sensibilisée à ce qui se passait dans les pays où nous avions des hôtels. Ceux de Chine étaient déjà fermés comme ceux du nord de l'Italie, et il se disait que Rome allait suivre. »

Première organisation syndicale avec 34 % des voix devant FO (33 %), la CGT et la CFE-CGC (autour de 16 % chacune), la CFDT d'Accor Invest est aguerrie. Les militants ont anticipé les problèmes, et la négociation a pu se régler rapidement. « Nous demandions une indemnisation à 100 %, nous sommes tombés d'accord sur 90 % avec un délai de prévenance pour la reprise de deux jours », résume Pascal. Lorsque le président de la République a annoncé, le 17 mars, le confinement général, les salariés d'Accor Invest voyaient ainsi leur pouvoir d'achat moins impacté que celui de beaucoup de collègues du secteur - et ce, alors que 90 % des hôtels du groupe étaient fermés.

Une deuxième phase de travail attend alors les militants : préparer les réouvertures tout en répondant aux inquiétudes des salariés dont les hôtels étaient restés ouverts afin d'y loger les policiers, gendarmes, personnes à la rue mais aussi les malades de la Covid-19 qu'il fallait « extraire » de leur domicile. « Avec la direction, nous avons mené un gros travail sur le protocole sanitaire à mettre en place, relate Pascal. Un groupe d'élus CFDT s'est emparé de cette question et a fait un travail remarquable. » Quel personnel devait mettre un masque, et quand ? Où disposer les parois en Plexiglas ? Comment nettoyer les chambres ? Il a fallu tout décortiquer. Chaque réunion avec la direction était précédée d'une réunion préparatoire avec des militants CFDT qui représentaient l'ensemble des métiers du groupe. Preuve du sérieux du travail effectué : le protocole sanitaire a très peu évolué (et des réunions de suivi permettent de l'ajuster çà et là). Les réouvertures se sont donc plutôt bien passées et le nombre de personnes contaminées est resté faible. La direction suit d'ailleurs l'évolution des contaminations dans le cadre d'une réunion hebdomadaire avec les organisations syndicales.

Pas d'APC mais une incitation à la mobilité

Bien évidemment, l'activité est loin d'être revenue à son niveau habituel, surtout en région parisienne, en l'absence de touristes étrangers, salons et séminaires. Contrairement à certains concurrents, Accor Invest n'a pas souhaité négocier d'accord de performance collective (APC). Les salariés n'ont donc pas vu baisser leur salaire ni augmenter leur temps de travail… mais ont été encouragés à la mobilité entre les hôtels d'un même secteur géographique, ce qui pose problème pour une population peu mobile. « Si la direction est tentée de réorganiser le travail pour limiter la casse, notre responsabilité est d'éviter les abus », explique Pascal, prenant l'exemple du souhait de certains hôtels de faire travailler les veilleurs de nuit douze heures d'affilée. Il faut noter que les salariés au bas de l'échelle sont ceux qui travaillent le plus, alors que les cadres intermédiaires sont davantage en chômage partiel. Les CDD et intérimaires, quant à eux, ont… disparu. En mai, ils n'étaient que 520 (contre 2 700 en 2019).

En attendant une stabilisation de l'environnement juridique

Le risque est bien réel que cette crise pousse l'entreprise à sous-traiter des activités comme la restauration ou le ménage pour tenter de faire des économies rapides. Pour l'instant, la direction semble attendre les décisions que va prendre le gouvernement concernant le chômage partiel dans l'hôtellerie pour janvier 2021 et l'accord chômage partiel de longue durée en train d'être négocié dans la branche. « C'est seulement quand l'environnement juridique sera stabilisé que nous connaîtrons les intentions de l'entreprise », anticipe Pascal, qui prépare déjà avec les équipes CFDT la « troisième phase » avec la construction de revendications relatives à la formation professionnelle. « Les salariés sont très inquiets. Ils sentent que la situation ne peut rester figée indéfiniment, d'autant que le groupe Accor [qui gère la marque, distincte d'Accor Invest] a annoncé la suppression de 1 000 postes dans le monde dont 300 en France. » La CFDT d'Accor Invest, qui fera tout pour ne pas se laisser surprendre, anticipe déjà. La marque de fabrique de cette fine équipe.

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