(Actualisé avec déclarations de l'opposition travailliste §§13-14)

par Guy Faulconbridge et Andrew Osborn

LONDRES, 30 juin (Reuters) - David Cameron se dit prêt à traiter avec Jean-Claude Juncker, dont il n'est pas parvenu à empêcher la désignation au poste de président de la Commission européenne, ce qui lui vaut de subir une avalanche de critiques en Grande-Bretagne.

Après son échec lors du vote du Conseil européen, qu'il a lui-même provoqué vendredi au sommet de Bruxelles, le Premier ministre britannique avait parlé d'une "grave erreur" susceptible de nuire au maintien de la Grande-Bretagne au sein de l'Union européenne.

Dans une tribune publiée lundi par le Daily Telegraph, le dirigeant conservateur adopte un ton plus conciliant, après avoir téléphoné dimanche à Jean-Claude Juncker, porteur à ses yeux d'une vision fédéraliste de l'UE, pour le féliciter.

"Nous allons maintenant travailler avec lui", écrit-il sous le titre "La défaite Juncker n'est pas un coup fatal. La Grande-Bretagne militera pour le changement en Europe".

"Si (...) nous pouvons convenir que nous ne nous dirigeons pas tous, à des vitesses différentes, vers le même endroit - comme certains l'ont prétendu jusqu'à présent - alors nous pouvons traiter ensemble", poursuit le chef du gouvernement britannique.

Confronté à l'euroscepticisme d'une frange de son parti conservateur et menacé par la poussée électorale des souverainistes de l'Ukip (Parti de l'indépendance du Royaume-Uni), David Cameron s'est engagé à renégocier les termes de l'appartenance de la Grande-Bretagne à l'UE et à organiser un référendum sur la question en 2017 s'il remporte les élections législatives de 2015.

D'après le premier sondage réalisé après sa défaite au sommet de Bruxelles, publié par le Mail on Sunday, 47% des Britanniques sont favorables à une sortie de l'Union et 39% sont partisans du statu quo.

Après six semaines passées à critiquer Jean-Claude Juncker et à refuser de lui adresser la parole, David Cameron lui a finalement téléphoné dimanche.

"Le Premier ministre a salué l'engagement de M. Juncker à trouver un accord juste pour la Grande-Bretagne et M. Juncker a déclaré qu'il était pleinement attaché à la recherche de solutions aux préoccupations politiques du Riyaume-Uni", a rapporté un porte-parole du 10, Downing Street.

"PERDANT"

Dans sa tribune publiée par le Daily Telegraph, David Cameron persiste à dire que la nomination de Jean-Claude Juncker lui complique la tâche à l'égard des Britanniques, qu'il veut convaincre de la pertinence d'un maintien de leur pays au sein de l'UE une fois les termes de l'appartenance renégociés.

"Je ne nie pas que cela complique la tâche et accroît les enjeux", écrit-il. "On ne fait pas facilement changer de cap à un navire comme l'UE."

Même si les trois grands partis britanniques s'opposaient au choix de Jean-Claude Juncker, David Cameron est vivement critiqué pour sa stratégie de confrontation, qui a conduit à un isolement de la Grande-Bretagne. Seule la Hongrie a suivi la Grande-Bretagne lors du sommet de Bruxelles et les détracteurs du Premier ministre britannique l'accusent d'avoir desservi les intérêts de son pays et renforcé l'hypothèse d'une sortie de l'UE.

Chef de file de l'opposition travailliste, Ed Miliband a qualifié le vote du Conseil européen d'"humiliation absolue" pour la Grande-Bretagne.

"Il n'a pas réussi à ce que quatre pays le soutiennent au sujet de M. Juncker", a lancé Ed Miliband lors d'un débat au Parlement. "Et s'il n'arrive pas à réunir quatre pays pour bloquer la désignation d'un président, comment diable va-t-il obtenir que 27 pays soutiennent un nouveau traité? (...) Sa stratégie de renégociation est en lambeaux."

A l'autre bout de l'échiquier, Nigel Farage, chef de file de l'Ukip, partage le même constat et a traité David Cameron de "perdant".

"L'idée selon laquelle David Cameron se trouverait en position de négocier un accord radicalement nouveau qui ferait progresser les intérêts de la Grande-Bretagne à Bruxelles semble toujours plus grotesque", a dit le grand vainqueur des élections européennes en Grande-Bretagne.

Face à ces critiques en provenance de tous les camps, David Cameron tente de se présenter comme un homme de principes, prêt à subir une humiliation personnelle pour porter la volonté de changement exprimée, selon lui, lors du scrutin européen fin mai.

Mais même au sein du Parti conservateur, l'hypothèse d'une sortie de l'UE paraît crédible.

"Une sortie de la Grande-Bretagne de l'UE n'est pas inimaginable", a déclaré John Redwood, parlementaire conservateur eurosceptique. "Le reste de l'UE s'en remettrait." (Avec Sarah Young, Jean-Philippe Lefief et Bertrand Boucey pour le service français)