par Edmund Blair et Hezron Ochiel

NAIROBI, 31 mars (Reuters) - La population kenyane a réagi globalement dans le calme dimanche à la validation par la Cour suprême de l'élection de Uhuru Kenyatta, à l'exception de quelques affrontements entre policiers et manifestants dans l'ouest du pays.

La Cour suprême a donné son blanc-seing samedi à la victoire d'Uhuru Kenyatta lors du scrutin du 4 mars, malgré son inculpation par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l'humanité.

Elle a ainsi rejeté à l'unanimité de ses six juges le pourvoi déposé par le rival malheureux de Kenyatta, Raila Odinga, qui affirmait que l'élection avait été entachée d'irrégularités.

C'est dans le fief d'Odinga, à Kisumu, que se sont produits les quelques troubles, sans commune mesure toutefois avec les violences post-électorales de 2007 qui firent plus de 1.200 morts.

Dans cette ville de l'ouest du pays, deux personnes sont mortes par balles samedi après l'annonce de l'arrêt de la Cour, et des magasins ont été pillés. Mais le calme semblait revenu dimanche.

Ce climat relativement paisible est dû pour une bonne part à la confiance retrouvée des Kenyans dans les institutions politiques et judiciaires, qui ont été profondément réformées.

Il s'explique aussi par les déclarations du rival malheureux de Kenyatta, qui a très vite accepté le verdict de la Cour en déclarant qu'il la respecterait dans son intégralité et en souhaitant bonne chance au vainqueur, issu de l'ethnie kikuyu, la plus nombreuse dans le "patchwork" tribal qu'est le Kenya.

"Notre leader a reconnu sa défaite. De quel droit nous pourrions, nous, descendre dans la rue ?", a déclaré Elija Onyango, un livreur de 27 ans habitant Kisumu.

Le bon déroulement du scrutin et de la procédure légale qui a suivi ont contribué à redonner au Kenya une image de démocratie stable en Afrique.

LA CPI, ÉLÉMENT DISSUASIF

Reste que l'arrivée au pouvoir dans l'ancienne colonie britannique du fils du "père de l'indépendance" pose un casse-tête de taille aux pays étrangers, qui vont devoir traiter avec un président élu poursuivi par la CPI pour son rôle dans les violences de 2007.

Son inculpation à La Haye, ainsi que celle de son adjoint, William Ruto, ont en revanche servi à Kenyatta dans sa quête pour la présidence.

"Cela a certainement aidé Kenyatta et Ruto, mais la présence de la Cour constitue un élément dissuasif majeur pour quiconque serait tenté d'enrôler des jeunes pour provoquer des bagarres", juge un diplomate européen en poste à Nairobi.

Le président élu, qui nie énergiquement les charges retenues contre lui, a promis de coopérer avec la CPI pour faire la preuve de son innocence.

Les pays occidentaux, qui considèrent que le Kenya joue un rôle clé dans cette partie de l'Afrique, ont pour politique de limiter à l'essentiel leurs contacts avec des personnalités poursuivies par le tribunal de La Haye.

Mais plusieurs gouvernements, américain et britannique en tête, ont adressé un message de félicitations à Uhuru Kenyatta.

Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a lui aussi félicité le nouveau président, en soulignant son engagement à remplir les obligations internationales de son pays.

Dans une allocution télévisée, Kenyatta a promis samedi soir de faire preuve d'impartialité. "Je veux affirmer aux Kényans que mon gouvernement travaillera avec tous les Kényans et les servira tous sans discrimination d'aucune sorte", a-t-il dit.

Uhuru Kenyatta, un ancien ministre des Finances, avait largement distancé son rival avec 50,7% des voix contre 43,28% à Raila Odinga. Mais c'est seulement grâce à quelque 8.000 voix qu'il a réussi à franchir le seuil des 50% nécessaire pour l'emporter dès le premier tour. (Avec Joseph Akwiri à Mombasa, Pascal Liétout pour le service français)