* Israël continue de rassembler troupes et véhicules près de Gaza en vue d'une opération

* Le Hamas appelle les Palestiniens au soulèvement ce vendredi

* Le chef de la diplomatie US en visite dans la région pour éviter un embrasement

* Treize ressortissants français tués dans l'attaque du Hamas-Macron

* Tensions dans des villes occidentales

par Henriette Chacar, Nidal al-Mughrabi et Humeyra Pamuk

JERUSALEM/GAZA/TEL AVIV, 13 octobre (Reuters) - Il est maintenant l'"heure de la guerre", a déclaré le chef de l'armée israélienne, alors que Tsahal a continué jeudi de déployer des chars d'assaut près de la bande de Gaza en vue d'une opération massive au sol pour "éradiquer" le Hamas, qui contrôle l'enclave palestinienne, densément peuplée.

Voulant rassembler les soutiens, le gouvernement israélien a montré au secrétaire d'Etat américain Antony Blinken, arrivé jeudi pour des entretiens dans la région, et aux ministres de la Défense de l'Otan des images très explicites d'enfants et de civils tués par le Hamas lors des attaques du week-end dans des localités israéliennes proches de Gaza.

"C'est tout simplement de la dépravation dans sa forme la plus inimaginable", a déclaré Antony Blinken, disant avoir vu des images d'un bébé "criblé de balles", de soldats décapités et de jeunes incendiés dans leurs véhicules. "Cela va vraiment au-delà de quoi que ce soit de compréhensible", a ajouté le chef de la diplomatie américaine.

Israël a promis une "vengeance terrible" pour l'attaque du week-end dernier, la plus sanglante perpétrée par des combattants palestiniens dans l'histoire israélienne.

Selon la télévision publique Kan, le dernier bilan de l'attaque s'élève à plus de 1.300 morts. Des dizaines d'Israéliens et de ressortissants étrangers ont été enlevés par le Hamas et sont détenus en otages à Gaza; les autorités israéliennes ont indiqué avoir identifié 97 de ces otages.

L'armée israélienne mène depuis lors des frappes aériennes d'une intensité sans précédent contre Gaza, où vivent 2,3 millions de personnes, détruisant des quartiers entiers. L'enclave a été placée sous siège et sous blocus "total" - les arrivées de denrées alimentaires et de carburant sont bloquées, l'eau et l'électricité ont été coupées.

D'après les autorités de Gaza, plus de 1.500 Palestiniens ont été tués depuis qu'Israël a débuté ses frappes de représailles.

BLINKEN VA MULTIPLIER LES ENTRETIENS DANS LA RÉGION

En écho à d'autres représentants à travers le monde, Antony Blinken a appelé l'Etat hébreu à la retenue, tout en lui réaffirmant le soutien des Etats-Unis. "Nous serons toujours là à vos côtés", a-t-il dit.

Le secrétaire d'Etat américain va poursuivre ses déplacements dans la région dans le but d'éviter un embrasement du conflit. Il doit rencontrer vendredi en Jordanie le roi Abdullah et le chef de l'Autorité palestinienne, basée en Cisjordanie, Mahmoud Abbas. Il a prévu aussi de se rendre au Qatar, en Arabie saoudite, en Egypte et aux Emirats arabes unis, pays où certains sont en mesure de contacter le Hamas.

L'Iran, soutien du groupe palestinien, a prévenu via son ministre des Affaires étrangères que des crimes supplémentaires contre les Palestiniens donneront lieu à une réponse du "reste de l'axe", sous-entendu l'axe de résistance formé par Téhéran, les factions armées palestiniennes, la Syrie, le mouvement armé libanais du Hezbollah et d'autres groupes.

Hossein Amirabdollahian a ajouté qu'Israël et ses alliés seraient responsables des conséquences, dénonçant comme des "crimes de guerre" le déplacement des Palestiniens et les coupures d'eau et d'électricité dans la bande de Gaza.

Téhéran, qui a salué l'attaque du Hamas en Israël, nie toute implication directe.

Le chef de l'armée israélienne, le général Herzi Halevi, a déclaré que les leçons des failles sécuritaires ayant permis l'attaque depuis Gaza seraient tirées en temps voulu. "Nous allons apprendre, enquêter, mais maintenant, c'est l'heure de la guerre", a-t-il dit.

Washington apporte depuis samedi des aides sécuritaires supplémentaires à Israël, avec l'envoi notamment de munitions, et a rapproché un porte-avions du pays. D'autres pays occidentaux, comme la Grande-Bretagne, ont annoncé des mesures sécuritaires dans la région.

Le Hamas a exhorté les Palestiniens à se soulever ce vendredi pour protester contre les frappes israéliennes contre Gaza, appelant à des manifestations en direction de la mosquée Al Aqsa, à Jérusalem-Est, et à des affrontements avec les troupes israéliennes en Cisjordanie occupée.

Dans une volonté d'afficher l'unité d'Israël dans sa lutte contre le Hamas, la Knesset a approuvé jeudi soir l'entrée en fonction du gouvernement d'union d'urgence nationale formée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu avec le chef de l'opposition centriste, Benny Gantz, ancien ministre de la Défense.

"MISÈRE HUMAINE"

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a déclaré jeudi que les groupes électrogènes d'urgence alimentant les hôpitaux de Gaza pourraient cesser de fonctionner sous plusieurs heures. Le Programme alimentaire mondial (PAM) de l'Onu a prévenu d'une grave pénurie de nourriture et d'eau potable.

"La misère humaine engendrée par cette escalade est abominable et j'implore les parties prenantes à réduire la souffrance des civils", a déclaré le directeur du CICR pour la région, Fabrizio Carboni.

La Cour pénale internationale (CPI) a dit avoir juridiction sur d'éventuels crimes de guerre du Hamas et des Israéliens dans la bande de Gaza.

Ce conflit alimente des craintes sécuritaires en Europe, où des tensions sont apparues depuis plusieurs jours. A Paris, les forces de l'ordre ont fait usage de gaz lacrymogène et d'un canon à eau pour disperser une foule qui s'était réunie en soutien aux Palestiniens. Le ministre français de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a demandé aux préfets d'interdire toute manifestation pro-palestinienne dans le pays.

S'exprimant dans une allocution télévisée, le président Emmanuel Macron a indiqué que 13 ressortissants français ont été tués dans l'attaque du Hamas et 17 autres, dont des enfants, étaient portés disparus. "Nous partageons le chagrin d'Israël", a-t-il dit.

Un premier avion affrété par les autorités françaises pour évacuer des ressortissants français d'Israël est arrivé jeudi à l'aéroport francilien de Roissy. D'autres vols spéciaux sont programmés vendredi et samedi, a indiqué le Quai d'Orsay.

A Amsterdam et à Londres, certaines écoles juives devaient fermer temporairement leurs portes pour des raisons de sécurité.

Aux Etats-Unis, les forces de l'ordre ont dit avoir prévu un dispositif de sécurité renforcé ce vendredi à New York et à Los Angeles, particulièrement près des synagogues. Des responsables se sont voulus rassurants face aux menaces potentielles.

Le porte-parole du conseil de sécurité nationale de la Maison blanche, John Kirby, a indiqué par ailleurs que Washington organiserait à compter de ce vendredi des vols afin de rapatrier d'Israël les ressortissants américains qui le souhaitent.

VOIR AUSSI

ENCADRE-La bande de Gaza dévastée par des années de conflit et de blocus (Reportage Henriette Chacar, Dedi Hayun, Maayan Lubell et Emily Rose à Jerusalem, Nidal al-Mughrabi à Gaza, Emma Farge à Genève, Jeff Mason à Washington, Humeyra Pamuk à Tel Aviv, Elizabeth Pineau, Jean-Stéphane Brosse et Zhifan Liu à Paris; régidé par Jean Terzian)