(Actualisée avec citations d'Assad)

par Erika Solomon et Oliver Holmes

BEYROUTH, 20 septembre (Reuters) - Au moins 54 personnes ont été tuées et des dizaines d'autres blessées jeudi lors du bombardement par l'armée de l'air syrienne d'une station-service dans le nord du pays, théâtre de violents affrontements entre les forces de Bachar al Assad et les rebelles, rapporte l'opposition syrienne.

Selon l'Observatoire syrien pour les droits de l'homme (OSDH, proche de l'opposition), le raid s'est produit dans la province de Rakaa, frontalière de la Turquie, où les insurgés se sont emparés mercredi d'un nouveau poste-frontière.

Une vidéo que des opposants disent avoir tournée dans la ville de Rakaa montre d'épaisses colonnes de fumées noires s'élevant au-dessus des débris de la station-service.

Ces informations et ces vidéos en provenance de Syrie sont difficiles à vérifier compte tenu des restrictions imposées par le régime aux journalistes étrangers et indépendants.

Mais les forces gouvernementales ont recours à des moyens aériens pour bombarder des territoires où opèrent les insurgés de l'Armée syrienne libre (ASL), y compris des zones urbaines, et elles ont déjà visé par le passé des stations-services pour priver les rebelles de carburant.

Un peu plus tôt jeudi, le ministère syrien de l'Information a annoncé qu'un hélicoptère de l'armée s'était écrasé près de la capitale Damas, sans fournir plus de précisions.

Selon le ministère, l'hélicoptère, dans sa chute, a heurté un avion de ligne avec 200 passagers à son bord, mais l'appareil a pu se poser et les passagers sont indemnes.

UN QUARTIER DE DAMAS ENCERCLE

A Damas, les forces de sécurité ont encerclé le quartier de Yarmouk, tenu par les insurgés, et ont arrêté plus de 100 personnes, selon la télévision publique syrienne, tandis que l'opposition faisait état de plusieurs morts.

Les chars de l'armée syrienne bloquent toutes les issues du quartier, raconte par téléphone un activiste bloqué à l'intérieur de la zone. Les opposants au président Bachar al Assad ont décidé ces derniers jours de se cacher dans ce quartier pauvre et densément peuplé qui sert traditionnellement de camp aux réfugiés palestiniens.

Plusieurs centaines de militaires passent les lieux au peigne fin, à pied et à bord de camions équipés de mitrailleuses lourdes, raconte Abou Salam, un activiste, joint grâce à la téléphonie par internet.

"Nous restons cachés chez nous. Nous avons peur de sortir de la maison. Aussi, je reste assis ici sans savoir s'ils vont atteindre ma rue, si je vais être arrêté ou être tué", raconte-t-il.

Selon Abou Salam, au moins trois personnes, deux hommes et une jeune femme, ont été abattus jeudi matin par des militaires au moment où ils sortaient d'un parc en courant. Cinq autres rebelles qui se cachaient dans le secteur ont été exécutés.

A Alep, l'armée syrienne a tué 100 "terroristes afghans", selon les médias officiels. Les rebelles présents dans cette ville du nord du pays dénoncent une propagande du régime et affirment que les forces loyalistes ne sont pas entrées dans le quartier de Boustane al Kasr, où l'offensive se serait produite.

DIVISIONS INTERNATIONALES

Le conflit syrien, qui dure depuis mars 2011 et s'est peu à peu transformé en guerre civile, a fait environ 27.000 morts, selon l'OSDH, basé en Grande-Bretagne.

Dans une interview diffusée vendredi par l'hebdomadaire égyptien Al Ahram Al Arabi, Bachar al Assad déclare que "les groupes armés (qui) pratiquent du terrorisme à l'encontre de l'Etat (...) ne seront pas victorieux au bout du compte". (voir )

Il assure cependant que la "porte du dialogue reste ouverte".

Un an et demi après le début de la répression des manifestations antigouvernementales, la communauté internationale reste divisée sur l'attitude à adopter face au régime syrien.

Les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux et du Golfe réclament le départ de Bachar al Assad du pouvoir tout en se gardant de soutenir ouvertement une intervention militaire pour faire cesser la répression. La Chine et la Russe, qui jouissent d'un droit de veto au Conseil de sécurité de l'Onu, continuent pour leur part de s'opposer à toute menace de sanction contre la Syrie.

Jeudi, l'Irak a démenti les affirmations d'un rapport du renseignement selon lequel l'Iran utilisait des moyens aériens civils pour transporter, via l'espace aérien irakien, des militaires et des armes en Syrie ( ).

"L'Irak confirme qu'il ne sera jamais impliqué ou qu'il n'aidera jamais ou qu'il n'autorisera jamais (le transport) de cargaison via son espace aérien ou terrestre vers la Syrie", a déclaré à Reuters le porte-parole du gouvernement irakien, Ali al Dabbagh.

Le soulèvement populaire en Syrie est un véritable casse-tête pour le gouvernement irakien, dirigé par un chiite. Proche de l'Iran chiite, allié indéfectible d'Assad, Bagdad a refusé pour l'instant de se joindre aux appels à la réforme lancés par les pays occidentaux et les pays du Golfe. (Marine Pennetier et Bertrand Boucey pour le service français)