* Le chef du gouvernement, Enrico Letta, renforcé

* La droite largement battue à Rome

* Le M5S de Beppe Grillo dans une mauvaise passe (Actualisé avec Grillo, § 12, 14, 15)

par James Mackenzie et Steve Scherer

ROME, 11 juin (Reuters) - Le chef de la droite Silvio Berlusconi et le contestataire atypique Beppe Grillo sont les deux grands perdants des élections municipales italiennes, alors qu'ils avaient surpris par leurs performances lors du scrutin législatif de février.

Ebranlé après des législatives qui n'ont pas permis de dessiner une majorité claire, en proie à des conflits internes, le centre gauche s'est en revanche refait une santé, remportant les seize grandes villes qui étaient en jeu - un camouflet pour le Peuple de la liberté (PDL) de Silvio Berlusconi.

A Rome, le candidat de gauche Ignazio Marino s'est imposé avec 64% des voix face au maire de droite sortant, Gianni Alemanno, qui a recueilli 36% des suffrages.

La faible participation - 48,6% au niveau national au second tour contre près de 60% au premier tour quinze jours plus tôt - traduit le désenchantement d'une partie de la population italienne qui n'attend apparemment plus grand-chose des partis politiques.

Le Mouvement 5 Etoiles (M5S) de Beppe Grillo, contestataire et anti-européen, n'est pas parvenu, comme il l'avait fait aux législatives de février, à attirer les voix des mécontents. Il est même en chute libre en Sicile, où il avait réalisé une percée spectaculaire l'an dernier lors d'un scrutin local.

Pour le politologue Roberto D'Alimonte, le M5S, totalement dominé par son chef charismatique, unique moteur du mouvement, a péché par manque de crédibilité.

Constat identique pour le PDL. "Dans les scrutins locaux, quand Berlusconi n'est pas candidat, ça ne se passe pas bien. M5S comme PDL manquent de candidats", explique-t-il.

Même Renato Brunetta, président du groupe PDL à la Chambre des députés, a dénoncé le caractère tant "monarchique" qu'"anarchique" de son parti.

"Pas de Silvio, pas de parti", titre mardi Il Giornale, qui appartient à la famille Berlusconi, en soulignant la nécessité pour le PDL de se trouver une base plus solide et durable au lieu de compter toujours sur la personnalité de son chef.

GRILLO SUR LE GRIL

En revanche, les résultats des municipales confortent la position du président du Conseil, Enrico Letta, bien moins charismatique que Grillo et le Cavaliere, à la tête d'une "grande coalition" ("governissimo") droite-gauche difficilement mise sur pied après les élections de février.

Pour le bouillant Beppe Grillo, déjà confronté à la grogne au sein de son mouvement, l'échec des municipales est un coup très dur. Malgré les pressants appels de la gauche, il a refusé de participer au gouvernement et paie probablement le fait d'avoir permis le retour des amis de Berlusconi au gouvernement.

"Nous payons le ton et le style de communication de Beppe Grillo. Le problème du M5S, c'est Beppe Grillo", a déclaré à la chaîne de télévision SkyTG24 Adele Gambaro, élue du M5S au Sénat.

"Le M5S n'a pas su saisir les occasions qui lui étaient offertes", a déploré pour sa part un internaute turinois sur le blog de Beppe Grillo, un avis partagé par de nombreux militants du mouvement "grillino".

Répondant sur son blog, Grillo juge que "la succession d'élections qui ne changent rien" est "un spectacle obscène". A propos de la sortie d'Adele Gambaro, il estime que celle-ci doit quitter le M5S "dès que possible".

"Je voudrais bien savoir ce que le Mouvement 5 Etoiles pense de telles déclarations, si je suis vraiment le problème", écrit-il.

L'ancien humoriste, provocateur et iconoclaste, a surpris la classe politique lorsque ses candidats ont recueilli un quart des suffrages lors des dernières législatives.

Aux municipales, le M5S a remporté seulement deux petites villes et a vu son score s'effondrer en Sicile. A Catane, dans l'est de l'île, son candidat a obtenu moins de 5% des voix, contre plus de 31% aux législatives.

Signe du malaise grandissant au M5S, deux de ses parlementaires ont fait défection, critiquant l'autoritarisme de Grillo. Après ces deux défections et l'expulsion d'un parlementaire qui a ignoré la consigne de Grillo de boycotter les émissions télévisées, le M5S compte aujourd'hui 107 députés sur 630 et 53 sénateurs sur 315 - et ils ne seront plus que 52 si Adele Gambaro quitte le groupe.

Pour Roberto D'Alimonte, on voit mal les "grillini" retrouver leurs scores de février mais il ne faut pas pour autant les considérer comme définitivement hors-jeu.

"Si la crise s'aggrave et que le chômage continue de grimper, le M5S peut revenir au premier plan", dit-il. (Guy Kerivel pour le service français, édité par Gilles Trequesser et Henri-Pierre André)