(Actualisé avec conférence de presse, citations)

par Ercan Gurses et Andreas Rinke

GAZIANTEP, Turquie, 23 avril (Reuters) - L'Allemagne souhaite l'établissement de zones spéciales de sécurité en Syrie, près de la frontière avec la Turquie, pour protéger les réfugiés, a déclaré samedi la chancelière allemande Angela Merkel, une idée prônée par la Turquie de longue date.

Maintenir les réfugiés du côté syrien de la frontière aiderait Ankara, qui accueille sur son sol 2,7 millions de réfugiés syriens, et Bruxelles, qui cherche à endiguer le flot de migrants qui arrivent sur les rives de l'UE.

L'Onu s'est montrée réticente face à ce projet. Elle demande que la sécurité des réfugiés qui resteraient en zone syrienne soit garantie. Les travailleurs humanitaires y sont opposés.

Un accord de "cessation des hostilités" parrainé par la Russie et les Etats-Unis est entré en vigueur en Syrie le 27 février dernier pour permettre une nouvelle série de discussions de paix à Genève, mais il est de moins en moins respecté.

"J'ai (...) à nouveau réclamé que nous ayons des zones où le cessez-le-feu soit particulièrement renforcé et où un niveau suffisant de sécurité puisse être garanti", a déclaré Angela Merkel lors d'une conférence de presse à Gaziantep en Turquie, en compagnie des responsables turcs et de l'Union européenne.

Des dizaines de réfugiés fuyant les combats en Syrie sont incapables de traverser la frontière pour passer en Turquie et sont obligés de camper près du point de passage frontalier d'Azaz où un soutien humanitaire leur est prodigué. Certains ont accusé la Turquie de vouloir ainsi créer une zone de sécurité sans le dire.

L'accord conclu le 18 mars dernier entre la Turquie et l'Union européenne pour renvoyer les migrants arrivant sur les îles grecques a également été critiqué par les agences de l'Onu.

Cet accord, couplé avec des fermetures de frontières en Europe empêchant les passeurs d'assurer un passage vers le nord de l'UE, a dans un premier temps ralenti le nombre de nouvelles arrivées en Grèce. Mais des bateaux arrivent à nouveau, avec environ 150 personnes par jour, a annoncé l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

"LE MEILLEUR EXEMPLE"

Une partie de l'accord, destinée à le rendre acceptable par l'opinion publique turque, prévoit que les Turcs voulant se rendre dans des pays de l'Union européenne puissent obtenir des visa plus rapidement. Cette promesse pourrait ne pas être tenue, du moins d'ici la date limite du mois de juin souhaitée par le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu.

Ce dernier a déclaré samedi qu'il n'y aurait plus de réadmission en Turquie si la libéralisation des visas n'entrait pas en vigueur, tout en disant qu'il pensait que l'UE prendrait les mesures nécessaires.

"Nous avons dit que la Turquie naturellement, doit remplir les conditions, qui sont au nombre de 72 à mettre en oeuvre", a rappelé Angela Merkel. "Mon objectif est que nous nous en tenions à ces accords. (...)".

La chancelière allemande, accompagnée d'Ahmet Davutoglu, du président du Conseil européen Donald Tusk et du vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans, s'est rendue dans un camp de réfugiés à Nizip et a inauguré un centre de protection des enfants à Gaziantep.

Donald Tusk a indiqué que l'arrivée des trois milliards d'euros promis à la Turquie pour s'occuper des réfugiés allait être accélérée.

Des centaines de milliers d'enfants syriens en Turquie n'ont aucun accès à l'éducation. Le Premier ministre turc a dit que la Turquie avait rempli toutes ses obligations, y compris en accordant aux réfugiés le droit de travailler.

Mais le système de permis de travail pour les réfugiés visant à les protéger de l'exploitation se met en place lentement, de nombreux Syriens ne pouvait s'inscrire dans le soutien de leurs patrons.

Cela n'a pas empêché Donald Tusk de féliciter Ankara.

"Aujourd'hui, la Turquie est le meilleur exemple dans le monde entier de la façon de traiter les réfugiés. Je suis fier que nous soyons associés. (...)", a déclaré Donald Tusk.

Selon Amnesty international, des Syriens se font tirer dessus s'ils tentent d'entrer en Turquie tandis que d'autres sont expulsés vers la Syrie contre leur gré. Ahmet Davutoglu a réfuté ces accusations samedi. (Danielle Rouquié pour le service français)