par Dmitri Jdannikov et Sabina Zawadzki

C'est le cas d'au moins trois pays européens - la Hongrie, la Pologne et surtout la Roumanie, qui a fait état d'une chute de 30 à 40% de son approvisionnement.

La présidence tchèque de l'UE a convoqué lundi prochain en réunion extraordinaire les ambassadeurs des Vingt-Sept à Bruxelles pour discuter du différend gazier, dont Moscou et Kiev avaient assuré qu'il n'affecterait pas d'autres pays européens.

"Nous estimons que la situation a évolué désormais à un point tel qu'elle nécessite la tenue d'une réunion extraordinaire", a déclaré Radek Honzak, porte-parole de la présidence tchèque à Bruxelles.

Un autre porte-parole tchèque a dit à Prague que des pourparlers avec Moscou auraient sans doute lieu prochainement.

Parallèlement aux signes d'inquiétude de l'UE, le monopole russe Gazprom a accusé l'Ukraine de dérober du gaz et a fait savoir que certains pays des Balkans l'avaient informé qu'ils recevaient moins de gaz que prévu.

Des importateurs de gaz de Roumanie, Hongrie et Pologne ont annoncé que l'approvisionnement de leurs pipelines diminuait.

"L'afflux de gaz d'importation a baissé de 30 à 40% (...) C'est dû au conflit de l'Ukraine avec la Russie", a déclaré à Reuters par téléphone Ioan Rusu, directeur de la compagnie gazière roumaine Transgaz.

Des informations analogues sont venues de Budapest et de Prague.

"La pression a commencé à baisser à 15h00 GMT. La pression baisse de façon continue, bien qu'elle n'ait pas encore atteint un niveau critique", a déclaré un porte-parole d'une filiale de la compagnie énergétique hongroise MOL.

La compagnie ukrainienne Naftogaz a démenti détourner illégalement du gaz russe à son propre usage.

MOSCOU ACCUSE KIEV DE VOL

L'accusation de Gazprom semble indiquer que Moscou n'est pas d'humeur à transiger dans son différend avec l'Ukraine. En janvier 2006 déjà, la "guerre du gaz" entre Moscou et Kiev avait provoqué une réduction temporaire de l'approvisionnement des marchés européens.

"La partie ukrainienne reconnaît ouvertement qu'elle vole du gaz sans en éprouver la moindre honte", a affirmé Sergueï Kouprianov, porte-parole de Gazprom, ajoutant que le monopole russe avait accru ses exportations vers l'Europe par un autre itinéraire traversant la Biélorussie.

La Pologne a annoncé que ses livraisons en provenance d'Ukraine avaient diminué de six pour cent mais qu'elles étaient compensées par ses importations arrivant de Biélorussie.

"Le changement affectant les livraisons de gaz n'est pas ressenti par le consommateur polonais de gaz naturel", selon un communiqué conjoint de la compagnie Gaz System et du monopole gazier PGNiG.

L'UE, qui reçoit un cinquième de son gaz par des gazoducs traversant l'Ukraine, avait d'abord dit considérer le différend comme une affaire bilatérale entre Moscou et Kiev.

Le conflit pourrait susciter de nouvelles interrogations chez les Européens sur la fiabilité de la Russie comme fournisseur de gaz. L'image d'un Kremlin qui bouscule sans vergogne ses voisins pro-occidentaux est bien ancrée dans les esprits depuis la guerre russo-géorgienne d'août dernier.

La Russie affirme que le conflit ne revêt aucun caractère politique et ne porte que sur de contrats et de dettes. Mais les deux voisins ex-soviétiques s'opposent au sujet du rapprochement que souhaite opérer avec l'Otan le président ukrainien Viktor Iouchtchenko.

Vendredi matin, les entreprises du secteur gazier en Allemagne, en Bulgarie et en Turquie avaient fait savoir que leur approvisionnement n'était pas affecté.

Selon des analystes, l'Europe a suffisamment de réserves pour tenir plusieurs jours sans livraison de gaz russe, mais les stocks ne seront pas suffisants si l'approvisionnement est interrompu pendant plusieurs semaines.

Des pourparlers entre Naftogaz et Gazprom n'ont pas repris depuis leur suspension il y a deux jours.

Avec Guy Faulconbridge à Kiev, Conor Humphries à Moscou, Jan Strupczewski à Bruxelles, Daniel Fineren à Londres, Jason Hovet à Prague ; version française Gwénaelle Barzic, Stanislas Dembinski, Philippe Bas-Rabérin