(Répétition sans changement d'une dépêche transmise mercredi soir)

* Pékin veut sanctionner les avions de 15-45 tonnes

* Le 737 MAX 8 de Boeing flirte avec cette limite

* L'action Boeing a perdu jusqu'à 6% mercredi avant de remonter

* Le Gulfstream G650 de General Dynamics également concerné

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par Jamie Freed et Brenda Goh

SINGAPOUR/SHANGHAI, 4 avril (Reuters) - La menace de la Chine de taxer à 25% les importations de certains avions américains vise à coup sûr les modèles anciens du monocouloir 737 de Boeing mais pas forcément les 737 MAX de nouvelle génération, essentiels pour les bénéfices futurs du constructeur basé à Chicago.

L'action Boeing a perdu jusqu'à 6% à Wall Street mercredi après la publication par Pékin d'une liste de catégories de produits américains qui seraient visés par des sanctions commerciales, parmi lesquels le soja, les voitures, le boeuf, les produits chimiques et aussi certains avions.

En l'état, le document publié par le ministère chinois du Commerce évoque les appareils ayant une "masse à vide" comprise entre 15 et 45 tonnes.

Le sort du nouveau 737 MAX 8, déjà un succès commercial pour Boeing, dépendra de la définition qui sera retenue pour ce poids à vide, même si la fourchette annoncée mercredi semble d'ores et déjà épargner les versions plus grandes MAX 9 et MAX 10.

L'enjeu est de taille. Les Etats-Unis ont vendu pour 15 milliards de dollars (12,2 milliards d'euros) d'équipements aéronautiques à la Chine en 2016, ce qui en fait leur principale catégorie d'exportations vers ce pays à égalité avec les produits agricoles et nettement devant les exportations automobiles, qui ont représenté 11 milliards de dollars.

Plusieurs définitions du poids à vide sont utilisées en aéronautique et le document du ministère chinois du Commerce n'a pas fourni d'explication.

Deux experts aéronautiques ont dit penser que le ministère retenait la "masse à vide du constructeur" (manufacturers' empty weight, MEW), autrement dit la structure nue de l'avion.

Mais les avionneurs rechignent généralement à publier ce chiffre commercialement sensible et préfèrent communiquer sur la "masse à vide en ordre d'exploitation" (OEW, operating empty weight), qui comprend l'équipage et certains équipements, mais non la charge utile - passagers ou fret - et le kérosène.

Ce chiffre peut d'ailleurs varier selon les spécifications demandées par les compagnies aériennes.

À 70 KILOS PRÈS

Quelle que soit la catégorie retenue, la fourchette de 15 à 45 tonnes semble englober les 737 d'actuelle génération, qui sont en cours de remplacement par les 737 MAX.

Des documents consultables sur le site internet de Boeing évoquent une masse à vide en ordre d'exploitation de 37,6 à 42,9 tonnes pour les actuels 737-700, 737-800 et 737-900.

Selon les deux experts, la masse à vide du constructeur serait typiquement inférieure à 1,0 à 1,5 tonne à ce total.

Le nouveau 737 MAX 8 est plus lourd que son devancier avec une masse à vide en ordre d'exploitation de 45.070 kilos, selon un document publié par Boeing en août 2017.

A ce poids, l'appareil échapperait aux sanctions pour quelques petits kilos - sauf si Pékin optait pour la définition plus stricte du poids à vide constructeur.

"Je m'attends à ce que cette mesure de MEW soit utilisée car l'OEW varie d'un exploitant à un autre", déclare Stuart Hatcher, directeur général du cabinet de conseil IBA, en notant que ce choix du poids constructeur ferait passer le 737 MAX 8 dans la fourchette des sanctions.

"De toute façon, une baisse de 70 kilos est assez facile à obtenir dès lors qu'on a affaire aux compagnies low-cost ou aux avions aménagés uniquement en classe économique", ajoute-t-il.

Dans un communiqué, Boeing a souligné que les sanctions commerciales n'étaient "qu'au stade de proposition" et a ajouté évaluer la situation.

Avec le boom du trafic aérien local, les compagnies aériennes chinoises ont multiplié les commandes à Boeing et à son rival européen Airbus ces dernières années.

Boeing et le constructeur chinois Comac ont prévu d'ouvrir cette année un centre de finition de 737 dans la ville côtière de Zhoushan.

La plupart des commandes en attente de 737 en Chine concernent la version MAX, mais China Southern Airlines , Ruili Airlines et Okay Airways attendent chacune livraison de deux 737-800 et Xiamen Airlines en attend quatre, selon le carnet de commandes de Boeing.

Prié de dire mercredi, lors d'une conférence de presse, s'il pourrait changer de fournisseur, le patron de China Eastern Airlines Ma Xulun a répondu mercredi : "C'est trop tôt pour le dire, on va voir comment évolue la guerre commerciale".

Le 737 ne serait pas le seul avion américain potentiellement concerné par des sanctions chinoises. Le Gulfstream G650, un gros avion d'affaires construit par General Dynamics, tombe aussi dans la fourchette de poids annoncée par Pékin. (Jamie Freed à Singapour et Brenda Goh à Shanghai, avec la contribution de Tim Hepher à Paris, Véronique Tison pour le service français)