Les procureurs ont aussi requis une amende de 15 millions d'euros contre sa filiale française UBS France, pour complicité de ces mêmes faits, et des peines de six à 24 mois de prison avec sursis, assorties d'amendes de 50.000 à 500.000 euros, contre six de leurs ex-dirigeants ou cadres.

Parmi eux, l'ex-dirigeant d'UBS AG Raoul Weil (24 mois de prison avec sursis et 500.000 euros d'amende requis) et l'ancien dirigeant de sa division Europe de l'Ouest et ex-président du conseil de surveillance d'UBS France Dieter Kiefer (18 mois avec sursis et 400.000 euros d'amende).

UBS est accusée d'avoir aidé des milliers de contribuables français à échapper au fisc entre 2004 et 2012.

L'Etat français, seule partie civile, réclame pour sa part 1,6 milliard d'euros de dommages et intérêts à la banque suisse, qui a déjà dû verser une caution de 1,1 milliard d'euros.

UBS a aussitôt qualifié d'"irrationnel" le montant de l'amende requise à son encontre et contesté de nouveau "toute responsabilité pénale" dans cette affaire.

"L’amende requise contre UBS AG résulte d’une approche simpliste (...) sans aucune preuve des délits incriminés", écrit la banque dans un communiqué.

"AMPLEUR EXCEPTIONNELLE"

L'amende proposée, sans précédent en France, est également sans commune mesure avec les 780 millions de dollars payés par UBS aux Etats-Unis en 2009 ou les 300 millions d'euros payés en Allemagne en 2014, à chaque fois pour éviter un procès. Un tel arrangement n'a pas été possible en France.

UBS reproche à la justice française de se fonder "sur les déclarations opportunistes" d'ex-salariés et de la poursuivre "sur la base de certains services standards proposés (...) en conformité avec la loi suisse".

Un de ses avocats a pour sa part reproché au Parquet national financier (PNF) d'"innover" en matière d'amende.

"Pour la première fois, on applique un coefficient multiplicateur de cinq à la proportion de 50% applicable aux avoirs en matière de blanchiment", a dit Me Denis Chemla.

"Donc c'est encore une bataille juridique à mener mais nous allons la mener", lors des plaidoiries de la défense, la semaine prochaine, a-t-il ajouté devant des journalistes.

Les procureurs Eric Russo et Serge Roques ont justifié le montant de l'amende requise à l'encontre d'UBS par "l'ampleur exceptionnelle" des faits qui lui sont reprochés.

"UBS AG a sciemment tenu, ouvert et géré des comptes de clients fraudeurs français" et les a aidés à dissimuler leur fraude en mettant à leur disposition toute une série de moyens, d'un système de "banque restante" (aucun relevé n'est envoyé) aux comptes numérotés en passant par l'utilisation de "noms de fantaisie" ou de sociétés écran offshore, a dit Serge Roques.

AVERTISSEMENT

Il a accusé les représentants d'UBS de s'être livrés à un "véritable festival d'hypocrisie" pendant ce procès. "Il faut raisonner à l'échelle d'un blanchiment massif."

Il a précisé que l'évaluation des avoirs français non déclarés gérés par UBS variait de huit à 23 milliards d'euros. Mais il s'est fondé pour le calcul de l'amende demandée sur le montant de ceux qui ont été régularisés auprès de la cellule de "dégrisement" du fisc français - 3,7 milliards d'euros fin septembre 2015, actualisés à 4,7 milliards au 31 décembre 2017.

Sur cette base, le montant maximum de la peine encourue pourrait être de 9,250 milliards d'euros, a-t-il soutenu, avant de s'arrêter sur le chiffre de 3,7 milliards.

Il est reproché à UBS d'avoir envoyé en France des chargés d'affaires pour démarcher illégalement des résidents fiscaux, notamment lors d'événements mondains, culturels et sportifs.

UBS est aussi accusé d'avoir apporté "de manière habituelle" son concours à la dissimulation de fraudes à l'impôt sur le revenu, les sociétés ou la fortune.

La fraude fiscale est un "vol commis au préjudice de la collectivité" et une "attaque inacceptable contre le pacte républicain", dont la banque se rendait ainsi complice, avait dit Eric Russo en entamant les réquisitions.

Il a également accusé le directeur juridique d'UBS, Markus Diethelm, d'avoir tenté "d'exercer une sorte de pression" sur le tribunal en lançant lundi, dans une interview publiée par Les Echos, un avertissement à peine voilé.

Alors que la France "a une chance de devenir un des premiers centres financiers en Europe" après le Brexit, ce procès est "observé par le monde de la finance", avait averti Markus Diethelm. "Tout le monde va regarder ce qu'il va arriver à UBS."

(Emmanuel Jarry, édité par Elizabeth Pineau)

par Emmanuel Jarry