Berlin (awp/afp) - La croissance économique allemande a nettement ralenti entre janvier et mars après une année 2017 euphorique, une déception attribuée par les analystes à des facteurs temporaires mais aussi à un début de surchauffe face au manque de main d'oeuvre.

Au premier trimestre, le produit intérieur brut de la première économie européenne a progressé de 0,3% par rapport au trimestre précédent, quand les économistes interrogés par le fournisseur de services financiers Factset escomptaient 0,4%.

Ce chiffre marque un net coup de frein par rapport aux quatre trimestres de l'an dernier, qui avaient vu la production nationale augmenter de 0,9%, 0,6%, 0,7% puis 0,6%, poussant le gouvernement à relever à plusieurs reprises ses prévisions de croissance.

Vu la cascade d'indicateurs décevants publiés ces derniers mois en Allemagne, un trimestre plus faible "semblait inévitable", souligne Jennifer McKeown, responsable de la recherche européenne chez Capital Economics.

L'office fédéral des statistiques Destatis l'explique surtout par la "perte de dynamisme" du commerce extérieur, puisqu'"aussi bien les exportations que les importations ont reculé par rapport au trimestre précédent", dans une période houleuse marquée par les menaces de sanctions américaines contre l'acier et l'aluminium européens.

- GRIPPE ET GRÈVES -

Les dépenses de l'Etat fédéral, limitées sur cette période à la gestion des affaires courantes en raison de longues négociations pour former une coalition, se sont par ailleurs repliées "pour la première fois depuis cinq ans et ont pesé sur la croissance", constate Destatis.

En revanche, la demande intérieure est restée solide, avec une "forte" progression des investissements, "principalement dans la construction mais aussi dans les biens d'équipement", pendant que les ménages augmentaient légèrement leurs dépenses de consommation.

Le tout dessine un tableau nuancé, qui témoigne "d'une normalisation après l'euphorie", selon HSBC, tout en prolongeant le plus long cycle de croissance qu'ait connu l'Allemagne depuis la réunification du pays en 1990, avec quinze trimestres consécutifs de hausse du PIB.

"Ce sont principalement des facteurs temporaires qui ont pesé", estime Ferdinand Fichtner, de l'institut économique DIW, évoquant "l'épidémie de grippe particulièrement prononcée", les congés scolaires rallongés et les grèves salariales dans l'industrie métallurgique et le secteur énergétique.

Pour Jennifer McKeown, de Capital Economics, l'économie devrait "être stimulée dans les prochains trimestres par des dépenses publiques accrues", notamment avec l'augmentation des allocations familiales prévue par le nouveau gouvernement d'Angela Merkel.

- MANQUE DE BRAS -

"Même si les incertitudes demeurent", principalement liées aux tensions commerciales, "il y a peu de raisons de douter de la solidité" de la conjoncture allemande, juge pour sa part Carsten Brzeski, de la banque ING Diba.

Pour lui, les carnets de commandes gonflés et le niveau "historiquement bas" des stocks promettent des mois fastes pour l'industrie, alors que les entreprises continuent à emprunter pour investir.

Le principal problème de la première économie européenne est plutôt "qu'elle craque littéralement aux jointures" et peine à recruter et augmenter ses capacités de production, analyse M. Brzeski.

Avec un taux de chômage au plus bas, "quasiment une entreprise allemande sur deux ne parvient pas à pourvoir durablement un poste" et 45% redoutent "de devoir limiter leur offre" par manque de main d'oeuvre, renchérit Martin Wansleben, patron de la Fédération des chambres allemandes de commerce et d'industrie (DIHK).

"Il est donc important que les mesures prévues par l'accord de coalition", en particulier l'amélioration de la formation professionnelle et de la garde d'enfants, "soient mises en oeuvre rapidement", poursuit M. Wansleben.

Venus d'Allemagne comme de l'étranger, les appels se multiplient depuis des mois pour que le gouvernement fédéral investisse plus largement dans l'économie, une priorité encore rappelée lundi par le Fonds monétaire international.

afp/rp