Mexico (awp/afp) - Il redoutait le pire, mais finalement le Mexique arrive optimiste à la renégociation du traité de libre-échange avec les Etats-Unis et le Canada (Aléna), qui débute mercredi, espérant approfondir cet accord qui a fait bondir de plus de 500% ses exportations depuis 1994.

"On ne perd rien à demander, et ce que nous voulons c'est que les quelques catégories (de produits) qui restent soient exonérées totalement" de taxes douanières, explique à l'AFP Ana Riquelme, directrice exécutive de l'association mexicaine des industries de dispositifs médicaux, qui fournit essentiellement les Etats-Unis.

Et en attendant d'obtenir plus, les industriels mexicains vont surtout faire en sorte de ne rien perdre, souligne-t-elle: "Nous faisons attention à ce que les choses ne changent pas, car telles qu'elles sont, elles nous favorisent".

Même posture confiante chez le président du Conseil coordinateur des entreprises (CCE), Juan Pablo Castañon, qui depuis la victoire de Donald Trump met au point un registre des entreprises exportant et important entre le Mexique et les Etats-Unis.

"Le traité doit nous permettre d'approfondir pour créer des synergies et des politiques afin d'être plus compétitifs", estime ce représentant du patronat.

Le gouvernement mexicain affiche le même objectif: augmenter la relation commerciale avec l'Amérique du Nord, avec plus de compétitivité.

Les négociations pour réviser l'Aléna démarrent mercredi à Washington, à la demande des Etats-Unis dont le président n'a cessé de dénoncer le caractère "désastreux" du traité pour l'emploi et les investissements américains.

Le Mexique, dont 80% des exportations vont aux Etats-Unis, s'était alarmé des propos de M. Trump, qui a même fait planer un temps la menace de se retirer purement et simplement de l'Aléna.

L'ambiance est aujourd'hui apaisée, Washington semblant afficher une attitude moins offensive dans ces négociations.

"Je me suis sentie soulagée", raconte à l'AFP Carla Hills, représentante commerciale des Etats-Unis sous l'administration de George Bush.

"Je crois que les trois gouvernements vont être d'accord sur des choses comme les règles sur les questions numériques, les communications, les services, donc j'espère qu'il y aura des avancées", dit l'ex-fonctionnaire.

Selon elle, "il est nécessaire d'actualiser" ce texte, vieux de près d'un quart de siècle, élaboré avant même l'ère d'internet.

- Neuf rounds de négociations -

Mais malgré cet optimisme, les négociations peuvent être compliquées par l'insistance de Washington à réduire son déficit commercial avec le Mexique, de plus de 64 milliards de dollars.

"Cela ne va pas se résoudre dans une relation commerciale. Le déficit est lié à une situation macroéconomique: les Etats-Unis sont une économie qui dépense plus qu'elle ne produit", souligne Jaime Zabludovsky, un des dirigeants de la délégation mexicaine dans la négociation de l'Aléna actuel.

M. Zabludovsky s'inquiète aussi de la volonté d'éliminer l'article 19 du traité, qui établit des mécanismes de résolution des contentieux commerciaux.

Il permet à un exportateur d'un des trois pays de réclamer auprès d'une commission s'il considère qu'une mesure compensatoire, comme une taxe imposée à son produit, a été mal calculée.

"Cela a très bien fonctionné pour les trois pays, mais ceux qui ont une vision un peu protectionniste trouvent que cela leur enlève de la marge de manoeuvre car il y a une espèce de surveillant qui dit si c'est bien ou mal", observe-t-il.

L'article 19 "est fondamental pour deux raisons: il met en place une neutralité et une objectivité au moment de résoudre un contentieux et il évite que ces questions soient traitées devant un tribunal américain, canadien ou mexicain", renchérit le sénateur du Parti action nationale (PAN, opposition) Ernesto Cordero.

D'ici la fin de l'année, sept à neuf rounds de discussions, organisés à tour de rôle dans les trois pays, sont prévus, pour une fin des négociations attendue avant 2018.

Cette année-là, le Mexique tiendra des élections présidentielle et parlementaires et les Etats-Unis organiseront un scrutin législatif: le résultat de ces deux échéances est crucial, car l'accord doit être ratifié par les Parlements de chaque pays.

Malgré les embûches, M. Zabludovsky se dit persuadé que le calendrier sera tenu: "Oui, cela peut être fait. La négociation, il y a 20 ans, avait duré 14 mois, à l'époque il n'y avait rien et on a négocié tous les textes" dans les délais.

afp/rp