(Actualisé tout du long)

par Nellie Peyton et Olivia Kumwenda-Mtambo

JOHANNESBURG, 2 juin (Reuters) -

Le Congrès national africain (ANC) a admis dimanche avoir subi un cuisant revers avec la perte de sa majorité absolue à l'Assemblée nationale d'Afrique du Sud, qu'il détenait depuis la fin de l'apartheid en 1994, tout en refusant par avance de sacrifier le président Cyril Ramaphosa pour former une coalition gouvernementale.

Les résultats officiels proclamés dimanche des élections législatives organisées mercredi ont confirmé la fin de 30 ans de domination sans partage de l'ANC sur la vie politique sud-africaine, entamée avec l'accession au pouvoir de Nelson Mandela.

Ils déclenchent aussi un compte à rebours pour la conclusion d'un accord de gouvernement avec une ou plusieurs autres formations, une situation inédite pour l'ANC.

Les partis politiques ont désormais deux semaines pour dégager une majorité avant l'entrée en fonction de la nouvelle Assemblée. Cette dernière sera alors chargée d'élire le chef de l'Etat, qui devrait une nouvelle fois être issu de l'ANC, toujours première force politique du pays malgré son net recul.

Fortement affaibli dans un contexte de chômage de masse, d'inégalités et d'infrastructures défaillantes illustrées par des coupures d'électricité à répétition, l'ANC n'a recueilli que 40% des voix alors qu'il avait jusqu'alors systématiquement bénéficié d'un raz-de-marée à toutes les élections depuis 1994, obtenant encore 57,5% en 2019.

Ce score se traduira par 159 députés sur 400, contre 230 dans la précédente assemblée.

"Avons-nous commis des erreurs ? Oui, nous en avons commis. Dans la gouvernance et partout ailleurs", a dit Fikile Mbalula, secrétaire général de l'ANC, dimanche lors de la première conférence de presse organisée par le parti depuis le vote, ajoutant que sa formation n'avait "rien à célébrer".

"L'ANC est attaché à la formation d'un gouvernement qui reflète la volonté du peuple, qui soit stable et qui soit capable de gouverner efficacement", a-t-il ajouté.

L'ANC SOUFFRE DE LA PERCÉE DU PARTI DE ZUMA

Le principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique (DA), formation libérale sur le plan économique et émanant essentiellement de la communauté blanche du pays, a recueilli 21,8% des suffrages.

L'ANC a surtout pâti de la percée inattendue du nouveau parti fondé par l'ancien chef de l'Etat Jacob Zuma, évincé de la présidence en 2018 par son ancien parti à la suite de scandales de corruption. Si Jacob Zuma lui-même ne pourra pas siéger en tant que député par décision de justice, son parti uMkhonto we Sizwe (MK), nom de l'ancienne branche armée de l'ANC signifiant "fer de lance de la nation" en zoulou, a obtenu 14,6% des voix.

Les Combattants pour la liberté économique (EFF), parti de la gauche radicale emmené par Julius Malema, ancien responsable des jeunes de l'ANC, s'est établi à 9,5%.

La perspective d'une alliance de l'ANC avec soit le MK soit les EFF suscite l'inquiétude des milieux d'affaires et des investisseurs étrangers, qui préféreraient une coalition avec la DA.

John Steenhuisen, chef de file de l'Alliance démocratique, a déclaré dans une vidéo publiée sur la chaîne YouTube de son parti qu'il avait mandaté une équipe de négociateurs pour discuter avec les autres formations et éviter ce qu'il a qualifié de "coalition de fin du monde" entre l'ANC et l'un des deux autres partis.

Fikile Mbalula a annoncé que la direction de l'ANC se réunirait mardi.

Il a prévenu que sa formation ne céderait à aucune pression d'un autre parti sur une éventuelle mise à l'écart de Cyril Ramaphosa comme condition à un accord de coalition, quand bien même la position du chef de l'Etat pourrait aussi être remise en cause par des luttes internes à l'ANC après cet échec électoral.

"Ce n'est même pas la peine d'en parler", a-t-il dit.

(Avec Bate Felix et Bhargav Acharya à Johannesburg et Wendell Roelf au Cap, rédigé par Joe Bavier, version française Bertrand Boucey)