* Plus de 2.200 diplomates et civils évacués-responsable

* Près de 200 personnes évacuées par la France dans la nuit

* Les taliban affichent un discours modéré

* Le mollah Baradar de retour à Kaboul

KABOUL, 18 août (Reuters) - Plus de 2.200 diplomates et civils ont pu quitter l'Afghanistan en embarquant à l'aéroport de Kaboul, trois jours après la prise de la capitale par les insurgés taliban, qui s'emploient à afficher des intentions pacifiques.

Les insurgés islamistes affirment n'avoir aucun désir de vengeance et disent leur intention de respecter les droits des femmes dans le cadre de la loi islamique. Un discours qui n'empêche pas des milliers d'Afghans, dont beaucoup ont aidé les forces étrangères dirigées par les États-Unis pendant deux décennies, de chercher désespérément à quitter le pays.

"Nous avons pu évacuer un peu plus de 2.200 diplomates, personnels de sécurité étrangers et Afghans qui travaillaient pour les ambassades", a déclaré à Reuters un responsable occidental travaillant pour la sécurité.

Le calendrier de la reprise des vols commerciaux, suspendus depuis dimanche, n'est pas encore déterminé, a-t-il indiqué.

L'armée française a procédé pour sa part à une nouvelle évacuation dans la nuit de mardi à mercredi. "À l'issue d'opérations complexes conduites cette nuit à Kaboul, 25 Français et 184 Afghans à protéger ont été évacués d'Afghanistan. Ils viennent de se poser à Abou Dabi", a annoncé sur Twitter le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.

L'opération a notamment permis d’évacuer une grande partie des personnes qui s'étaient réfugiées dans l'enceinte de l’ambassade de France, désormais relocalisée à l'aéroport de Kaboul, a précisé le Quai d'Orsay dans un communiqué.

Quatre Néerlandais, un Irlandais et deux Kenyans se trouvaient également à bord.

Le président Emmanuel Macron a salué cette évacuation dans un message sur Twitter assorti d'une photographie de personnes débarquant de l'avion A400M de l'Armée de l'air.

Dans une allocution télévisée lundi soir, le chef de l'Etat a dit que la France prendrait "tout (sa) part" dans le cadre d'un effort international pour accueillir des migrants afghans mais que l'Europe ne pouvait pas assumer seule les conséquences de la "déstabilisation" du pays.

"NOUS NE VOULONS PAS D'ENNEMIS"

Les taliban, qui se battent depuis leur éviction du pouvoir en 2001 pour expulser les forces étrangères, sont entrés dans Kaboul dimanche après une offensive éclair alors que les forces occidentales dirigées par les États-Unis se retiraient du pays en vertu d'un accord incluant une promesse des taliban de ne pas les attaquer au moment de leur départ.

Les forces américaines qui gèrent l'aéroport ont dû cesser leurs vols lundi en raison d'un afflux de milliers d'Afghans effrayés désireux de quitter le pays.

Les vols ont repris mardi après une reprise du contrôle de la situation.

Les taliban ont fait savoir que l'un de leurs dirigeants et co-fondateurs, le mollah Abdul Ghani Baradar, était de retour en Afghanistan pour la première fois depuis plus de 10 ans.

Lors d'un premier point de presse depuis leur retour à Kaboul, un porte-parole des taliban a évoqué une application moins stricte de leurs lois que pendant les années 1996-2001.

"Nous ne voulons pas d'ennemis internes ou externes", a déclaré aux journalistes Zabihullah Mujahid.

Les femmes seront autorisées à travailler et à étudier, a-t-il assuré, affirmant qu'elle seraient "très actives dans la société, mais dans le cadre de l'islam".

Durant leurs cinq années au pouvoir, les taliban ont empêché les femmes de travailler et les fillettes d'aller à l'école. Les femmes devaient porter des burqas masquant leur corps de la tête au pied lors de leurs sorties, avec obligation d'être accompagnées par un parent masculin.

Les nouvelles promesses laissent les Afghans sceptiques.

"Ma famille a vécu sous les talibans. Peut-être qu'ils veulent vraiment changer ou ont changé. Seul le temps nous le dira, et ce sera clair très bientôt", a déclaré Ferishta Karimi, qui dirige une boutique de couture pour femmes.

Ramiz Alakbarov, coordinateur humanitaire des Nations Unies pour l'Afghanistan, a déclaré à Reuters que les taliban avaient assuré à l'Onu qu'elle pouvait poursuivre son travail humanitaire en Afghanistan, où sévit une grave sécheresse.

L'Union européenne a fait savoir qu'elle ne coopérerait avec les autorités talibanes que si elles respectaient les droits fondamentaux, en particulier ceux des femmes.

Le président américain Joe Biden et le Premier ministre britannique Boris Johnson ont annoncé une réunion virtuelle des dirigeants du G7 la semaine prochaine pour discuter d'une stratégie et d'une approche communes pour l'Afghanistan. (Reportage bureau de Kaboul ; version française Myriam Rivet et Elizabeth Pineau, édité par Blandine Hénault)