(Répétition sans changement de la dépêche diffusée lundi vers 16h00 GMT)

* Les objectifs d'inflation promus de longue date par Bernanke

* Un outil de politique monétaire et de communication

* La Fed ne doit pas oublier l'emploi, qui fait partie de son mandat

par Mark Felsenthal

WASHINGTON, 23 janvier (Reuters) - La Réserve fédérale américaine pourrait franchir une étape historique cette semaine en se fixant pour la première un objectif chiffré d'inflation, ce qui couronnerait les efforts entrepris depuis plusieurs années par son président, Ben Bernanke.

Une telle évolution traduirait aussi bien la volonté affichée de ce dernier d'améliorer la communication de la Fed que celle de la rendre plus efficace en matière de maîtrise de la croissance et des prix. Elle rapprocherait aussi la politique monétaire américaine de celle des principales autres grandes banques centrales.

La réunion de politique monétaire de mardi et mercredi, la première de 2012, devrait être l'occasion de nouvelles discussions entre les principaux responsables de la Fed sur leurs objectifs à long terme et leur stratégie. Et le communiqué final pourrait, pour la première fois, mentionner un objectif chiffré d'évolution des prix.

Le moment est propice à un tel virage car un objectif chiffré pourrait apaiser certains des doutes suscités par la politique menée par la banque centrale américaine depuis 2008, caractérisée par des taux d'intérêt quasi-nuls et 2.300 milliards de dollars de rachats d'obligations pour soutenir le système financier, au risque de favoriser l'inflation.

En fixant un objectif, la Fed faciliterait en outre l'éventuelle annonce ultérieure d'un nouveau cycle de rachats de dettes en cas de détérioration de la conjoncture.

"C'est une bonne idée dont le moment est venu", a déclaré Marvin Goodfriend, professeur à la Tepper School of Business de l'université Carnegie Mellon et ancien conseiller de la Fed.

Pour lui comme pour bon nombre d'observateurs, fixer un objectif d'inflation permettrait d'apaiser les craintes de voir la Fed laisser filer les prix pour faire reculer le chômage ou pour alléger le fardeau de la dette publique.

"L'une des raisons justifiant l'annonce d'un objectif formel d'inflation, c'est de montrer que la Fed ne croit pas nécessaire de stimuler l'inflation pour stimuler l'économie", note Marvin Goodfriend.

VIRAGE OU AFFICHAGE ?

Certains observateurs se demandent toutefois si une telle démarche ne relèverait pas du simple affichage puisque la banque centrale publie déjà des prévisions trimestrielles qui montrent que ses responsables voient l'inflation évoluer dans une fourchette de 1,7% à 2,2%.

Cette prévision à long terme est déjà considérée comme un objectif non-officiel et il est probable que la Fed se contentera de l'officialiser sous une forme ou une autre.

Pour autant, la démarche a encore des opposants, notamment parmi les élus démocrates du Congrès, qui craignent de voir la banque centrale privilégier la maîtrise des prix aux dépens du plein emploi, l'autre pilier de son mandat.

Un argument que Ben Bernanke repousse régulièrement.

"Les discussions sur les objectifs d'inflation dans les médias américains me rappellent la vision qu'ont les Américains du système métrique: il ne savent pas vraiment ce que c'est mais il le trouvent étranger, incompréhensible et peut-être légèrement subversif", avait-il ainsi déclaré en 2003.

Le contexte politique a beaucoup changé depuis ces propos: aujourd'hui, la Fed se voit reprocher par certains membres du camp républicain de prendre le risque d'attiser l'inflation en voulant revigorer l'emploi.

Les préoccupations de ces élus pourraient donc être en partie apaisées par un objectif chiffré, offrant un peu de répit sur le front politique à une institution dont la popularité a beaucoup souffert ces dernières années.

La démarche pourrait aurait aussi pour effet bénéfique de resserrer les rangs au sein même de la banque centrale, alors que le président doit en permanence faire face aux objections de trois ou quatre membres du FOMC en désaccord avec sa politique ultra-accommodante.

"Avoir un objectif d'inflation, cela fait partie du B-A-BA de la banque centrale", estime Charles Plosser, le président de la Fed de Philadelphie, l'un des principaux "faucons" de la Fed. "C'est que ce font la plupart des grandes banques centrales."

Même s'il n'est pas certain que la réunion du Federal Open Market Committee (FOMC) débouchera mercredi sur la publication d'un objectif chiffré, il est acquis que la banque centrale annoncera pour la première fois des prévisions d'évolution des taux d'intérêt. (Marc Angrand pour le service français, édité par Jean Décotte)