Richard Barley,

The Wall Street Journal

La perspective d'une plus forte croissance des Etats-Unis alors que le Président-élu Donald Trump envisage d'ouvrir les vannes budgétaires a mis le dollar en ébullition - le billet vert a atteint un sommet de 13 ans à l'aune de l'indice dollar de l'ICE. Mais le renforcement de la devise, surtout aussi rapide, a déjà mis au jour des faiblesses ignorées par les investisseurs. D'autres pourraient être révélées prochainement.

Des mouvements d'une ampleur rare sur les actions et les obligations

La revalorisation du dollar a libéré les investisseurs. La semaine dernière, ils ont alloué 27,5 milliards de dollars sur les actions mondiales, tout en retirant 18,1 milliards de dollars de l'obligataire, soit le plus important mouvement enregistré depuis deux ans pour les actions et depuis trois ans et demi pour les obligations, souligne Bank of America Merrill Lynch. Le résultat est une hausse des taux et des conditions financières plus contraignantes. Les marchés émergents ont subi le contrecoup. La montée du dollar implique une baisse des devises dans certaines régions à la peine, notamment l'Europe et le Japon, mais un durcissement du crédit risque par ailleurs de gommer les gains que ces zones pourraient tirer d'une progression des exportations à la faveur d'une devise plus compétitive.

L'effet taux risque de précéder les bénéfices de la relance budgétaire

En termes de croissance, il y a maldonne sur le calendrier. Si une relance budgétaire est enclenchée outre-Atlantique, sa matérialisation au niveau de l'économie ne se fera sentir qu'à partir de fin 2017 et au-delà. Les conséquences d'un durcissement monétaire, elles, pourraient être ressenties plus vite au niveau du marché hypothécaire et immobilier, tandis qu'un dollar plus cher menace de gripper les bénéfices des sociétés américaines.

Ceci dit, le mouvement du dollar et des taux obligataires sur les marchés revient à faire une partie du travail à la place de la Fed, ce qui implique que les anticipations de durcissement de la politique monétaire de l'institution sont peut-être exagérées. S'il est quasiment certain que la Fed relèvera ses taux en décembre pour assurer sa crédibilité, la tonalité adoptée pour 2017 sera déterminante.

Les fluctuations des marchés sont déjà plus importantes qu'au cours du "taper tantrum" de 2013

L'agitation qui avait saisi les marchés en 2013 était en partie due à la crainte que la Fed durcisse rapidement l'accès au crédit. Ces craintes peuvent devenir performatives, et l'adoption d'un discours sévère de la Fed, conjugué à l'évolution récente des marchés, ne manquerait pas d'entraîner une dynamique similaire. D'ores et déjà, la chute de certaines devises émergentes et la hausse des rendements obligataires ont été plus rapide que lors du "taper tantrum" de 2013.

Une succession d'échéances politiques délicates en Europe

Parallèlement, pour la zone euro le contexte a changé et 2017 apparaît comme une année délicate. Des élections se tiennent dans des pays membres aussi essentiels que la France, l'Allemagne et les Pays-Bas. Un référendum constitutionnel en Italie qui pourrait affecter le Premier Ministre Matteo Renzi intervient dans deux semaines. La baisse de l'euro reflète aussi en partie une montée de la prime de risque politique, en particulier au vu des surprises électorales récentes aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Les investisseurs ne veulent pas à nouveau s'y laisser prendre.

Ces risques ont largement été occultés jusqu'il y a peu de temps. Cela a produit un cocktail déplaisant : les taux allemands ont progressé, mais les taux italiens ont grimpé plus rapidement et plus haut. Une nouvelle fragmentation du marché de taux est la dernière chose dont l'Europe a besoin. La Banque Centrale Européenne envisage de modifier les modalités de son programme de rachat d'actions, mais il sera lui délicat de justifier des changements tout en laissant inchangées les attentes d'une politique monétaire accommodante. Les marchés ne sont pas habiles à interpréter des messages nuancés, et le risque d'une réaction adverse est important.

Le résumé de 2016 est que les investisseurs ne sont pas très doués dans la lecture des oracles politiques. La morale de cette année est que la prudence est la meilleure défense.

-Richard Barley, The Wall Street Journal

(Version française Guillaume Bayre) ed: ECH