Le capital-investissement doit en effet faire face depuis la fin 2011 à une probable récession et à un "credit crunch", un alignement d'étoiles qui rappelle 2009, année ponctuée de fracassants naufrages de montages financiers basés sur des leviers de dette importants, les leveraged buy-out (LBO).

Des fonds d'investissement comme PAI, Sagard ou Cognetas avaient alors perdu l'intégralité de leur investissement dans des entreprises touchées de plein fouet par la crise, comme le groupe de produits de toiture Monier ou le fabricant de flacons SGD.

La reprise économique jusqu'à la fin du premier semestre 2011 a occulté le fait que de nombreux LBO n'étaient pas viables financièrement, mais le retour de la crise financière et l'assèchement du crédit ont fait tomber le voile.

"Les fonds zombies ou les LBO zombies, on en a tous côtoyés sans le savoir, mais maintenant ils sont visibles", explique à Reuters Saam Golshani, avocat au cabinet Orrick Rambaud Martel.

Un LBO zombie est une entreprise dont la valeur est devenue largement inférieure à celle de sa dette et dont les actionnaires n'ont plus guère d'espoir de récupérer leur mise.

Le LBO est donc alors condamné du point du vue comptable mais continue à survivre en payant simplement les intérêts de la dette, quitte à sous-investir dans l'entreprise qu'il détient.

Paradoxe de ces situations de crise, l'entreprise est parfois parfaitement rentable d'un point de vue opérationnel mais est étranglée par la dette que les fonds ont levée pour la racheter.

C'est lorsqu'arrivent les échéances des emprunts ou que les ratios d'exploitation comparés à la dette deviennent intenables que les banquiers peuvent exiger une injection d'argent frais, une restructuration financière, voire la saisie de la société.

PRENDRE SA "PAUME"

Tant les fonds d'investissement que les banques créancières ont eu tendance à repousser les échéances en rééchelonnant les dettes afin de ne pas accuser de pertes. Pour certains économistes, les pertes potentielles des banques qui ont financé massivement les LBOs pourraient s'avérer systémiques.

Mais selon certains banquiers d'affaires, l'époque du statu quo a vécu et il est maintenant temps de solder les excès de la bulle du crédit.

"Il faut bien que les gens acceptent un jour de prendre leur paume (perte)", juge un banquier d'affaires parisien, pour qui les dossiers de restructuration de LBO en France sont devenus nombreux.

Selon les spécialistes des opérations de restructuration financière interrogés par Reuters, le sujet est devenu d'une actualité brûlante puisque ce sont les LBOs montés en 2006 ou 2007, soit en pleine bulle du crédit, qu'il faudra refinancer prochainement.

"Beaucoup de dettes d'acquisitions de sociétés sous LBO ou d'actifs immobiliers arrivent à maturité en 2012 et 2013, c'est ce que l'on a parfois appelé le 'mur de la dette'", explique Saam Golshani.

Il ajoute que les "business plans" à la base de certains montages financiers réalisés avant la crise n'ont souvent pas été atteints car le ralentissement économique a rendu obsolètes les prévisions de chiffre d'affaires ou les modèles de croissance.

"Vu les manques de financement consécutifs au désengagement des banques de pans entiers de l'économie, on risque de se retrouver face à une explosion des procédures judiciaires (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) si les restructurations ne peuvent plus se conclure à l'amiable", craint cet avocat.

L'exemple le plus récent d'un LBO en déroute est celui de Novasep, une entreprise pharmaceutique surendettée et en défaut de paiement à la suite de l'émission d'obligations à haut rendement. La société a vu ses créanciers accepter de convertir environ 60% de la dette qu'ils détiennent en actions et le Fonds stratégique d'investissement (FSI) injecter 30 millions d'euros.

"FONDS VAUTOURS"

C'est le principe de conversion de la dette en capital qui intéresse certains fonds d'investissement, qui se sont spécialisés dans la reprise d'entreprises sous LBO.

Ces sociétés d'investissement, appelés parfois "fonds vautours", rachètent sur le marché et avec une très forte décote les obligations émises par des LBOs en grande difficulté dans l'espoir d'en prendre le contrôle quand l'entreprise se rapproche du défaut de paiement.

Cette pratique, très commune aux Etats-Unis, est restée relativement marginale en France. Mais pour certains spécialistes, cette exception française ne devrait plus durer.

"Ces fonds ont de l'argent, voire beaucoup d'argent à investir, et ils sont donc à la recherche de la bonne transaction", explique Jean-Pierre Farges, avocat spécialiste des restructurations financières en France au cabinet Ashurst.

Il récuse néanmoins le terme de fonds vautours car il juge que ces derniers ont une utilité économique en étant capables de déployer rapidement du capital aux entreprises en difficulté.

Edité par Dominique Rodriguez

par Julien Ponthus