par Juliette Rouillon

Le rebond des prix et des volumes reste limité sur le marché "prime", ont confirmé les dirigeants de foncières dans le cadre du Forum de l'immobilier coté que Reuters a organisé cette semaine à Paris. Mais ils ont commencé à se préparer à une extension de la reprise à l'ensemble du marché, qu'ils l'attendent à court terme ou à un horizon d'un ou deux ans.

Tout en reconnaissant sentir un léger "frémissement" du marché des actifs plus risqués, Robert Waterland, directeur général de Tour Eiffel, reste pour sa part sceptique.

"Cela change de mois en mois, il y a les mois avec, il y a les mois sans, c'est très en dents de scie, je pense qu'il est trop tôt pour dire qu'il y a une tendance", a-t-il souligné.

Alain Taravella, président d'Altarea Cogedim, estime également qu'aucune tendance claire ne se dégage.

"Certains jours, on sent de vagues prémices et d'autres jours, on sent le mistral qui souffle", a-t-il déclaré.

LE BON PANACHAGE

Mais cela ne l'empêche de lancer un fonds d'investissement dans la perspective d'un retournement du marché. Alain Taravella espère ainsi collecter 500 millions d'euros au premier trimestre 2011 pour investir dans des opérations de restructuration ou de construction, y compris "en blanc" (sans locataire), ce qui avait largement disparu depuis deux ans.

"Nous nous préparons à la reprise du marché des bureaux que nous voyons probablement en 2011", a-t-il expliqué.

La frilosité des banquiers et des investisseurs boursiers depuis la crise financière, qui demandent toujours aux foncières de limiter à 50% leur ratio d'endettement, freine le mouvement.

"Les banquiers ne prêtent pas s'il n'y a pas des revenus sécurisés en face", a souligné le directeur général de Gecina, Christophe Clamageran.

Il estime pourtant que la pression de l'argent devrait profiter tôt ou tard à l'ensemble du marché.

"Comme il y a beaucoup plus d'argent que d'actifs, on va commencer à voir des allocations sur des actifs un peu moins 'prime'", a-t-il dit. "On commence à le voir et je pense qu'on le verra davantage en 2011."

Gecina a prouvé son optimisme en annonçant cette semaine l'acquisition d'une opération de construction "en blanc" à Gennevilliers (Haut-de-Seine) dans la perspective d'une pénurie d'immeubles neufs "sans précédent" entre 2012 et 2014.

"On s'autorise un petit quart d'investissements à risque. Trois quarts sécurisés, un quart spéculatif, c'est le bon panachage", a expliqué son directeur général.

Bertrand Julien-Laferrière, directeur général de Société foncière lyonnaise, dont le patrimoine est situé au coeur de Paris, s'est quant à lui montré résolument optimiste. "Je ne suis pas trop inquiet sur les valeurs en 20211, sauf crise systémique majeure", a-t-il dit.

SANS CROISSANCE, POINT DE SALUT

Serge Grzybowski, PDG d'Icade, a constaté lui aussi un élargissement des zones d'intérêt des investisseurs. Mais, a-t-il ajouté, tant que la croissance et les loyers continuent à stagner, point de reprise durable.

"Pour moi, aujourd'hui, le paradoxe du marché est qu'il y a un marché de l'investissement qui pour l'instant reprend, mais que cette reprise ne peut être durable et consolidée que s'il y a une reprise des loyers du marché locatif", a-t-il estimé. "Celle-ci n'est pas encore suffisamment visible pour dire que globalement l'immobilier d'entreprise est sorti de la zone stagnante."

Le directeur général délégué d'Affine, Alain Chaussard, pense aussi que l'investissement sera limité tant que la croissance n'aura pas relancé la demande de bureaux par les entreprises et commencé à résorber les poches de vacance dans certaines zones.

"La question est de savoir si la croissance économique va générer une demande de mètres carrés supplémentaires. Il n'y a pas besoin d'un taux de croissance élevé; au-delà de 1,5% de croissance, on assure une reprise de la demande de bureaux, surtout dans la région d'Ile-de-France", a-t-il noté.

"Tant qu'il n'y aura pas de raffermissement des loyers, il n'y aura pas de création de valeur sur le marché", a résumé Robert Waterland. "Ce qu'il faut c'est de la croissance, de la croissance de l'emploi. Actuellement, il y a très peu, voire aucune, demande de bureaux occasionnées par la croissance."

Edité par Dominique Rodriguez