par Karolina Tagaris et Michele Kambas

NICOSIE, 29 mars (Reuters) - Loin de la ruée annoncée, les banques chypriotes n'ont connu qu'une affluence modeste jeudi.

Tous les commentateurs prédisaient des scènes de chaos dès l'ouverture des succursales bancaires, à midi, près de deux semaines après la fermeture ordonnée pendant les négociations du plan de sauvetage avec les bailleurs internationaux.

Leurs pronostics se sont révélés exacts, sauf que ce ne sont pas les Chypriotes qui ont semé le chaos, mais les équipes de télévision.

Venues du monde entier, elles se sont entassées sur la petite place Eleftheria, dans le centre de Nicosie où se trouve le siège de deux des plus grandes banques.

Une douzaine de clients se sont présentés et ont attendu patiemment leur tour, sous l'oeil avide et frénétique de cameramen deux fois plus nombreux.

Nul besoin de chercher très loin l'origine du flegme local, dans les rues ensoleillées de cette capitale accueillante. Les Chypriotes se disent beaucoup plus décontractés que leur cousins grecs, qui ont laissé éclater leur colère dans les rues d'Athènes lorsque les créanciers internationaux leur ont imposé une cure d'austérité draconienne.

A Nicosie, on dit en avoir vu d'autres lors de l'invasion turque de 1974, qui a coupé l'île en deux. Les Chypriotes ont dû s'adapter à la crise économique qui a suivi le conflit et s'en souviennent, explique Jean Kelly-Christou, rédacteur en chef du Cyprus Mail, le plus vieux journal de l'île.

PRAGMATISME

"Je pense que la plupart des gens sont pragmatiques à ce sujet, et qu'ils comprennent que les manifestations et la colère ne feraient qu'empirer les choses", dit-il.

Des restrictions que beaucoup disent sans précédent ont été mises en oeuvre pour éviter une fuite des capitaux.

Les retraits d'argent ont été plafonnés à 300 euros par jour et par personne. Le dispositif est inédit dans l'histoire des sauvetages européens, mais les Chypriotes ont déjà connu des années de restrictions financières après 1974.

Qui plus est, la colère suscitée par les conditions de l'aide internationale s'est probalement épanchée avant la conclusion de l'accord, lundi à Bruxelles.

Au départ, le plan devait être financé en partie par des prélèvements sur tous les comptes bancaires, ce qui a suscité l'indignation des petits épargnants. Dans la version finale, nettement mieux acceptée, seuls les comptes affichant un solde supérieur à 100.000 euros sont mis à contribution.

En outre, l'interdiction de retirer plus de 300 euros en a sans doute dissuadé beaucoup de se rendre aux guichets. Dans les files d'attente, on comptait nombre de retraités et de personnes âgées qui, faute de cartes de crédit, étaient à court de liquide.

"On est civilisé ici. A quoi les gens s'attendaient-ils ?", confiait Theodora Kyprianou, une commerçante de 72 ans. "Ce n'est pas un gros problème, c'est un très gros problème. Mais qu'est-ce qu'on peut y faire ?"

Pour consulter le lien vidéo, cliquer sur http://link.reuters.com/guj96t (Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Gilles Trequesser)