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(Easybourse.com) Selon vous, peut-on prévoir les cours boursiers ?
Selon la théorie de l'efficience des marchés financiers remise au goût du jour par un Eugene Fama de l'Université de Chicago, il est impossible de prévoir les cours boursiers car les marchés sont efficients. L'information pertinente à la valorisation des marchés financiers, en particulier des actions, se trouvent instantanément et immédiatement reflétée dans les cours. Or il est impossible de prévoir quels évènements vont se dérouler à l'avenir.
Pour Paul A. Samuelson, prix Nobel de l'économie en 1970, “l'impossibilité de prévoir les prix futurs à partir des prix passés et courants est le signe, non pas de l'échec des  lois économiques, mais de leur triomphe avec la concurrence qui a fait sa besogne“.

Pour que les marchés soient efficients, soit les investisseurs doivent être rationnels, soit ils ne doivent pas être moutonniers, ou des arbitragistes doivent se porter acquéreurs lorsque les cours sont en baisse, et vendeurs lorsque les cours sont haussiers.
Il convient d'avoir de sérieux doutes quant aux deux premières hypothèses. Quant aux arbitragistes, et notamment les hedge funds, ils ont l'obligation de faire des reportings à leurs investisseurs sur une base trimestrielle. Ils ne peuvent pas se permettre de se tromper au-delà d'un horizon très court. Dans ces conditions, l'arbitrage devient imparfait, et bien que l'on puisse adhérer à la théorie de l'efficience des marchés, l'exercice de prévision des cours devient éventuellement possible.

Quel regard portez-vous sur l'évolution de la prime de risque, à savoir l'écart entre ce que devraient rapporter les actions en dividendes et en plus values et ce que devraient rapporter les obligations ?
L'écart actions / obligations, lorsqu'il est élevé, est un signal de hausse ultérieure du marché actions, et, lorsqu'il est faible, un signal de surévaluation des cours, selon le principe de retour à la moyenne, largement documenté dans la littérature académique en économie financière.

En mai 2007, la prime de risque était extraordinairement faible. Un danger se dessinait. Entre mai  2007 et mai 2008, le marché a fait -17%.

En février 2009, il nous a semblé y avoir un différentiel de rémunération considérable entre les actions et les obligations. La prime de risque était de 10,95%. Trois semaines plus tard, l'écart était de 11,80%, quatre écarts type par rapport à la moyenne historique.
Se porter sur les actions rapportait 11,80% de plus que ce que rapportait le bund qui était à l'époque de l'ordre de 3%. C'était un signal de très forte aversion au risque jamais observée sur le marché boursier. Nous émettions alors un signal d'achat. Les actions ont fait 41% depuis le mois de février, 60% depuis le point bas de mars.

L'indice était de 3300 en juin. Nous envisagions fin d'année un CAC entre 3600 et 4300. Nous avons terminé l'année à 3900.

Aujourd'hui la prime de risque est de 6,32,  un écart-type au dessus de la moyenne historique sur dix ans qui est de 5,21.
L'écart ne s'arrête jamais à la moyenne historique. C'est le propre des indicateurs avancés qui débordent dans un sens ou dans un autre. Si nous avons un sur optimisme du marché nous pourrions avoir un doublement des cours possible. Si nous revenions à la moyenne historique, nous avons un rebond possible de 19% sur l'année.  Si nous restons à un écart type, nous avons un potentiel de baisse de 7%. Si nous avons un demi-écart au dessus, avec un taux inchangé à 3,35%, la hausse pourrait atteindre 25%.

Nous tablons sur un CAC entre 4000 et 4800. 

Comment voyez-vous évoluer la croissance des bénéfices à l'avenir ?
Notre bureau d'analyse financière indépendante suit un échantillon d'analyse de plus de 350 sociétés de la zone euro. Nous déterminons les taux société par société, sur la base d'un modèle de prévision des flux futurs disponibles pour les actionnaires compte tenu de la structure de bilan, de la nature de l'activité de la société, en cherchant le taux d'actualisation qui rend la valeur actuelle des flux disponibles égale à la capitalisation boursière.
Nous faisons ensuite l'agrégation des taux individuels.

Nous avons entre 2007 et 2012 une croissance attendue des bénéfices nulle, -à 0,1%. Entre 2007 et 2019, une croissance des flux de l'ordre de 2,8% sachant que dans le modèle est incorporé un taux d'inflation de 2,5%.

La croissance des bénéfices des sociétés de la zone euro a été en moyenne de 8% par an sur les 20 dernières années. En 2007, la croissance était de 11%/12 par rapport à 1997, et de 7,5%/8% par rapport à 2000 avec une inflation de 2%.

Notre scénario est donc très prudent, et notamment si l'on considère que dans les sociétés analysées nous avons les sociétés du CAC dont au moins 25 à 30% du chiffre d'affaires émanent des pays émergents. C'est le cas de Saint-Gobain, ou encore de Lafarge.

Il ya de fortes chances que la décennie 2010-2020 soit bien meilleure que la précédente…
La décennie 2000-2010 a été la pire de l'histoire boursière. Nous avons eu une rentabilité réelle négative.
Une question se pose : pays par pays quelle a été la plus longue période de baisse ? Pour les Italiens qui seraient entrés en bourse en 1907, il leur aura fallu 50 ans pour récupérer leur mise. En France, la période la plus longue est de 25 ans. Aux Etats-Unis, elle est de 19 ans.
Le CAC avait flirté avec 7000 points en mars 2000. Il était à 2350 en mars 2009. Il avait perdu 60% de sa valeur en termes nominaux.

L'année 2010 devrait être meilleure que ce que prévoit le consensus des économistes aujourd'hui. Il y a un levier entre croissance économique et croissance du CA et des bénéfices évident : ils seront supérieurs au 23 ou 25% actuellement attendus.

De quelle manière appréhendez-vous l'état du secteur bancaire ?
Il y a une politique officieuse de soutien mondial aux établissements financiers
On peut être scandalisé par les bonus versés aux traders quand on sait que les résultats ont été notamment réalisés sur la BFI, et plus particulièrement la gestion sur les marchés pour compte propre.
Lorsque le plus grand banquier central du monde met les intérêts à quasi 0, et qu'il prend du temps avant de les remonter, ce n'est pas difficile pour un trader d'emprunter à 0% et de le placer dans du 3,5% avec fort effet de levier à long terme et de gagner beaucoup d'argent.
Le banquier central a conscience de ce qu'il fait pour que la crainte sur la fragilité des établissements bancaires ne tourne pas à la déroute.
C'est un financement fiscal détourné pour regonfler les bilans bancaires.

Comment accueillez-vous la politique prônée par le président Obama à l'égard des banques américaines ?
On reprend en partie d'une main ce que l'on a donné de l'autre une fois que le sauvetage est réalisé et qu'elles affichent une bonne santé.

Propos recueillis par Imen Hazgui

- 28 Janvier 2010 - Copyright © 2006 www.easybourse.com

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