par Julien Ponthus et Nina Sovich

En dépit ou à cause du climat morose, plus de 700 gérants, consultants ou investisseurs se sont rendus, selon les organisateurs, à cette "grand-messe" annuelle du private equity qui se tient dans un palace de la capitale.

"Pour aller de l'avant, l'industrie du private equity doit accepter (...) que la période de 2004 à 2007 était une anomalie", a déclaré jeudi lors de ce forum Guy Hands, le gérant du fonds américain Terra Firma.

Le discours très attendu de ce financier emblématique, star déchue de la finance pour certains observateurs, tombe quelques jours après la perte de son procès contre la banque Citigroup, responsable selon lui du rachat catastrophique de la maison de disques EMI, effectué en pleine bulle financière.

C'est durant cette période et grâce à une dette peu onéreuse que les fonds d'investissement ont pu acheter et revendre à une cadence soutenue des entreprises, dégageant des profits record.

La chute de Lehman Brothers en 2008 a brusquement mis fin à ce cycle d'environ quatre ans et la récession qui a suivi a étranglé certaines entreprises, incapables de rembourser la dette levée par les fonds pour les racheter.

LES ANNÉES "WOODSTOCK" DU PRIVATE EQUITY

Mais durant la période de bulle, surnommée par Guy Hands les "années Woodstock" du secteur, la dette bon marché et la fièvre spéculatrice ont assuré des taux de retour sur investissement souvent supérieurs à 20%.

Les gérants des fonds de private equity touchaient alors traditionnellement jusqu'à 2% des capitaux sous gestion, 20% des profits dégagés ainsi que de nombreuses commissions pour le montage des opérations d'acquisition par exemple.

Les fonds ont levé des centaines de milliards de dollars auprès des investisseurs, somme qu'ils ont été incapables de dépenser quand les banques ont brutalement fermé les robinets du crédit.

Ces montagnes de liquidités posent maintenant un problème majeur à l'industrie financière.

"Il y a tout simplement trop d'argent disponible pour que toutes ces liquidités trouvent des "deals" qui offriront des retours sur investissement au niveau de référence de 20%", a noté Guy Hands, soulignant que plus de 500 milliards de dollars sont actuellement disponibles pour des opérations de LBOs (leveraged buy-outs).

L'immobilisation de ces sommes que les fonds n'arrivent pas à dépenser pèsent sur les rendement et les gérants craignent de ne plus pouvoir lever d'argent frais s'ils ne sont pas capables de dépenser celui qu'ils ont sous gestion.

Les nouvelles règles prudentielles décidées pour empêcher une nouvelle crise financière rendent l'investissement dans le private equity plus onéreux pour les banques et les assurances ce qui devrait tarir les sources de financement des fonds.

Les lobbies de l'industrie financière font régulièrement valoir qu'il n'y aura pas assez de capital disponible pour financer correctement l'économie.

Par ailleurs, le nouveau texte adopté par le Parlement européen pour encadrer les fonds alternatifs impose des obligations de transparence et de communication accrues, une contrainte mal acceptée par le secteur.

LES EXCÈS DU PASSÉ

Un membre du cabinet du Commissaire européen à la régulation Michel Barnier a été accueilli assez froidement par les financiers présents au "Super investor", de nombreux intervenants prenant le micro pour dénoncer des règles inefficaces, inutiles et coûteuses.

La solution proposée par Guy Hands : un retour aux fondamentaux, c'est-à-dire à des investissements sur des durées plus longues, des acquisitions de plus petite taille et un accent sur la croissance organique des entreprises achetées.

Cette position implique de tirer un trait sur les excès du passé mais ne signifie pas non plus des sacrifices inacceptables en termes de rémunération.

"Non, nous ne pourrons plus introduire en Bourse une société de private equity pour 10 à 20 milliards de dollars, non, nous n'allons pas créer beaucoup de milliardaires", a averti Guy Hands.

"Mais nous serons toujours capables de nous faire payer salement (bloody) bien !"

Edité par Jean-Michel Bélot