Le chef de l'Etat s'exprimait au lendemain de la réouverture des banques, restées fermées pendant douze jours pour éviter une fuite des capitaux alors que Nicosie négociait un plan de sauvetage avec l'Union européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI).

Cette aide d'urgence de dix milliards d'euros, dont les modalités ont été validées lundi, sera financée en partie par des prélèvements sans précédent sur les dépôts bancaires de plus de 100.000 euros. Elle prévoit en outre la liquidation de la Cyprus Popular Bank, deuxième établissement chypriote.

La réouverture des banques, dont les activités ont été très étroitement encadrées, n'a toutefois pas donné lieu à la panique redoutée.

Nicos Anastasiades, qui s'adressait vendredi à des représentants de la fonction publique, a dit sans plus de précisions que les mesures strictes mises en oeuvre pour éviter la fuite des capitaux seraient levées graduellement.

Le président, issu des rangs conservateurs, s'en est pris dans le même temps à ses partenaires européens, les accusant d'avoir formulé "des exigences sans précédent qui ont fait de Chypre un laboratoire".

TRAGÉDIE

"Nous n'avons aucune intention de quitter l'euro", a-t-il toutefois assuré. "Nous ne ferons pas d'expériences avec l'avenir de notre pays."

"Nous avons évité le risque de banqueroute. La situation, en dépit de la tragédie, est contenue", a-t-il ajouté.

Elu le 24 février après avoir promis de négocier rapidement un plan de sauvetage, Anastasiades a dû accepter les conditions imposées par la "troïka" UE-BCE-FMI et l'Eurogroupe.

Le "bail-in", c'est-à-dire la mise à contribution des épargnants, traduit un changement de stratégie de la part des autorités européennes. Depuis le début de la crise, banques ou Etats avaient toujours été remis à flot avec l'argent des contribuables.

Les dirigeants européens affirment qu'il s'agit d'une solution exceptionnelle et nient toute intention de la transposer ailleurs, mais la question semble diviser.

Dès le lendemain de l'accord, Joeren Dijsselbloem, président de l'Eurogroupe, a estimé qu'elle pourrait faire école.

Ses propos ont suscité de telles réactions qu'il a dû faire marche arrière. Klaas Knot, gouverneur de la banque centrale néerlandaise, a néanmoins jugé que son compatriote n'avait pas vraiment tort.

"Ses propos se réfèrent à une approche qui est sur la table depuis un moment en Europe. Cette approche fera partie de la politique de liquidation européenne", dit-il vendredi dans les colonnes du Financieele Dagblad. Son porte-parole a confirmé l'exactitude de ses déclarations.

Henri-Pierre André et Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse

par Michele Kambas