* Le pape argentin veut une Eglise humble et austère

* Changements attendus au sein de la Curie

* Vers la nomination d'une commission consultative

par Philip Pullella

CITE DU VATICAN, 2 avril (Reuters) - Le pape François, qui veut faire de l'Eglise catholique un modèle d'humilité et d'intégrité, pourrait restructurer, voire fermer l'Institut pour les oeuvres de religion (IOR), miné par les scandales, dans le cadre d'une réorganisation du Vatican.

Le successeur de Benoît XVI, qui hérite d'une Eglise éclaboussée par les affaires de pédophilie, le scandale des fuites du VatiLeaks et des luttes intestines au sein de la Curie, étudie actuellement les pistes à sa disposition.

Le traitement du dossier de l'IOR, surnommé la banque du Vatican, aura valeur de symbole pour le pape argentin adepte d'une Eglise des pauvres, plus sobre et proche de ses fidèles.

En 2012, un audit européen sur le blanchiment d'argent concluait que cet établissement réputé pour son opacité ne respectait pas toutes ses obligations en matière de lutte contre ce fléau.

"S'il le souhaite, le pape peut assurément fermer l'IOR", avance un prélat qui a traité directement et pendant de longues années avec cette banque. Pour ce haut responsable vaticanais, ce dossier est l'un des plus importants auquel l'ancien archevêque de Buenos Aires va être confronté une fois l'agitation de son élection surprise retombée.

Cependant, une réforme en profondeur de l'IOR n'est pas pour demain et devra attendre des changements à la Secrétairie d'Etat, qui fut au centre du VatiLeaks qui a ébranlé les derniers mois du pontificat du pape bavarois.

"CELA PRENDRA DU TEMPS"

Ces changements passeront, selon toute vraisemblance, par le remplacement du secrétaire d'Etat actuel, l'Italien Tarciscio Bertone, n°2 de la hiérarchie vaticane après le pape et sorte de Premier ministre du Saint-Siège et à qui ont été en grande partie imputés les dysfonctionnements et querelles intestines qui ont émaillé les huit années du pontificat de Benoît XVI.

"Cela prendra du temps (de réformer l'IOR)", dit un autre responsable du Saint-Siège qui n'est pas un prélat et qui, comme la première source, s'exprime sous le sceau de l'anonymat.

Le second interlocuteur table pour une "restructuration en profondeur" de la banque du Vatican, qui gère l'argent du Saint-Siège, des institutions religieuses internationales et des ordres religieux, plutôt que pour sa fermeture pure et simple.

"Mais je n'excluerais rien, y compris une fermeture. Le pape François nous surprend chaque jour qui passe !", prévient-il.

Pour ces deux sources, le pontife argentin pourrait, dans un premier temps, créer une commission chargée de le conseiller en matière de réforme financière de l'institution bancaire.

La nomination d'un nouveau secrétaire d'Etat sera un premier signe de changement. "La question n'est pas de savoir si mais quand le cardinal Bertone quittera ses fonctions", estime le prélat cité plus haut. "Reste à savoir qui le pape choisira pour le poste".

Le dossier de la banque vaticane a été évoqué, avec parfois beaucoup de passion, lors des délibérations à huis clos des cardinaux avant qu'ils ne se retirent en conclave pour élire le 13 mars le successeur de Benoît XVI, démissionnaire pour raison d'âge et de santé.

D'après ce prélat, de nombreux "princes de l'Eglise" ont demandé à cette occasion des explications sur les scandales et des informations sur la manière dont l'IOR est géré et s'il avait vocation à perdurer.

"MONTRER L'EXEMPLE"

"L'IOR n'est une part essentielle du magistère du Saint-Père en tant que successeur de Pierre", a déclaré à une chaîne de télévision italienne le cardinal nigérian John Onaiyekan avant l'élection de François. "Cette institution n'est pas fondamentale, n'a pas de caractère de sacrement et ne fait pas partie du dogme (de l'Eglise)", a-t-il souligné.

Le nouveau secrétaire d'Etat devra imprimer un nouveau style de "coopération et de service" dans les diverses administrations de la Curie, dont l'image a énormément souffert des fuites de documents pontificaux par le majordome personnel de Benoît XVI.

Ce dernier, avant sa renonciation, a laissé à son successeur un rapport secret sur cette affaire de "fuites" portant notamment sur la corruption et les conflits présumés au sein de l'administration de la banque vaticane.

Le cardinal Bertone est directement lié aux affaires qui ont récemment agité l'IOR. Il avait fait campagne pour Ettore Gotti Tedeschi, l'Italien qui a présidé la banque avant son éviction brutale par le conseil d'administration en mai 2012.

En 2010, la justice italienne enquêtant sur le blanchiment d'argent avait gelé 23 millions d'euros de l'IOR détenus dans une banque romaine.

En février, le Saint-Siège a nommé un avocat allemand, Ernst von Freyberg, à la présidence de la banque du Vatican. Mais cette nomination, annoncée deux semaines avant la démission de Benoît XVI, a été assombrie par les liens troubles entretenus dans le passé entre ce juriste un chantier naval militaire.

"L'IOR n'est pas un cas unique. Ce n'est pas la pire des banques mais elle connaît assurément de très graves problèmes qu'il va falloir régler", résume E.J. Fagan, coordinateur de l'ONG "Global Financial Integrity", qui dénonce les transferts de capitaux illicites.

"Le pape François a très clairement dit qu'il voulait combattre la pauvreté. Le blanchiment d'argent circulant dans les flux de capitaux illégaux est un grand facteur de pauvreté dans le monde, et le Saint-Siège devrait montrer clairement l'exemple", estime-t-il. (avec Lisa Jucca à Milan, Jean-Loup Fiévet pour le service français, édité par Gilles Trequesser)