par Jan Strupczewski

Les ministres des 16 pays de la zone doivent débattre lundi de la fiabilité des statistiques grecques, dont un rapport de la Commission a établi qu'elles avaient été délibérément faussées pendant des années pour des raisons politiques.

"Certains sont très en colère et il n'y aura donc pas beaucoup de bonne volonté autour de la table pour faire quoi que ce soit pour (les Grecs), à moins qu'eux-mêmes en fassent vraiment beaucoup", a dit une source impliquée dans la préparation de la réunion de l'Eurogroupe.

Le déficit budgétaire grec pour 2008 a été révisé à 7,7% du produit intérieur brut (PIB) contre 5,0% annoncé initialement et le gouvernement actuel, lors de sa prise de fonctions à l'automne, a dû multiplier par trois l'estimation pour 2009, la portant à 12,7% du PIB.

Cela a conduit à des révisions à la baisse des notes financières du pays et alimenté les spéculations sur un possible renflouement forcé des finances publiques grecques par le reste de la zone euro.

Mais l'Eurogroupe est loin d'être disposé à se résoudre à une telle extrémité.

"Nous restons fermement convaincus qu'un renflouement ne sera pas nécessaire. Mais s'il faut parler de renflouement, les gens réunis autour de la table ne sont pas vraiment prêts au suicide politique", a dit la source.

DÉFIANCE

"Les contribuables allemands ne seront pas très patients si l'on essaie de leur expliquer que leur argent va servir à renflouer un pays qui a constamment et consciemment publié de faux chiffres et enfreint à de multiples reprises les règles budgétaires de l'UE", a-t-elle ajouté.

"Les Grecs doivent donc savoir, non seulement que la patience se fait rare mais aussi qu'il y a dans ce débat certains paramètres démocratiques de base difficiles à contrôler."

Le gouvernement grec a annoncé jeudi qu'il ramènerait son déficit budgétaire à 2,8% du PIB en 2012, un objectif jugé très ambitieux par de nombreux économistes.

"La Commission est très positive concernant le ministre des Finances (George Papaconstantiniou), sa volonté de mettre en oeuvre des réformes. D'autres membres du gouvernement semblent d'un avis complètement différent. Evidemment, il fallait s'y attendre", a dit une deuxième source de la zone euro.

Athènes a formellement adressé son plan d'assainissement budgétaire vendredi à la Commission et celle-ci doit désormais l'étudier avant de rendre son avis. Certaines sources déclarent cependant déjà qu'il est difficile de faire confiance à un projet susceptible d'être fondé sur des chiffres eux-mêmes peu fiables.

"Comment peut-on discuter de ce nouveau plan si l'on n'est toujours pas sûr des statistiques qui sont derrière?", résume une troisième source de la zone euro impliquées dans les préparatifs de l'Eurogroupe.

"Cela pose problème à beaucoup de monde. Il faut d'abord être sûr des chiffres sur lesquels tout est fondé, puis débattre du plan", a-t-elle ajouté.

"ILS ONT TRICHÉ"

Et les dirigeants de la zone euro ne sont pas non plus certains que la Grèce tiendra ses engagements.

"Ils ont triché pour entrer dans la zone euro, triché pour sortir de la procédure de déficit excessif: ils ont un problème de crédibilité", a dit une quatrième source. "Dans le passé, ils ont très souvent dit exactement ce qu'ils disent aujourd'hui, et rien ne s'est passé."

L'Eurogroupe n'a donc pas l'intention de prendre pour argent comptant les promesses d'Athènes et a l'intention d'être très clair avec le gouvernement grec.

"La Grèce devra tenir ses promesses à 100%: 95%, ça ne suffira pas", a dit la troisième source.

"Il ne s'agit pas seulement de la Grèce. Il s'agit de la crédibilité de l'ensemble du Pacte de stabilité et de croissance", a-t-elle ajouté.

Une fois rendu l'avis de la Commission sur le plan grec, les ministres des 16 adresseront des recommandations à la Grèce lors de leur réunion de la mi-février. Athènes aura ensuite quatre mois pour adopter les mesures demandées.

Si, passé ce délai, la Commission juge que les recommandations n'ont pas été suivies, la Grèce pourrait être le premier pays de l'Union à subir effectivement des sanctions financières, qui pourraient passer par l'arrêt de certaines aides communautaires.

"Il y a la volonté implicite de créer un précédent", a dit la quatrième source. "La Grèce est une bonne occasion de le faire. Si elle ne répond pas à ces recommandations, l'étape suivante sera l'amende. Personne ne la défend."

Version française Marc Angrand