par Julien Toyer et Emmanuel Jarry

L'Allemagne et la France, les deux ténors de la zone euro, ont jeté tout leur poids dans la bataille pour entraîner les Vingt-Sept, et plus particulièrement les seize pays partageant la monnaie unique, dans cette démonstration de solidarité dans l'espoir de désamorcer les mouvements spéculatifs dont Athènes est la cible.

"Nous avons pris un engagement de soutien et de solidarité côté européen, de rigueur et de transparence côté grec", a déclaré Nicolas Sarkozy lors d'une conférence de presse conjointe avec Angela Merkel à l'issue du sommet informel consacré à la situation économique européenne.

"Sans aucune ambiguïté, la Grèce n'est pas seule et la Grèce est décidée à faire les efforts qu'on lui demande: c'est la réponse de l'Union européenne, c'est une réponse extrêmement forte", a-t-il ajouté.

La chancelière allemande a insisté de son côté sur la solidarité qui lie entre eux les membres de la zone euro et sur la crédibilité du programme de stabilité grec dont la mise en oeuvre, sous la surveillance de la Banque centrale européenne et de la Commission européenne, est censée apaiser les marchés.

"Nous connaissons notre responsabilité pour ce qui est de la stabilité de la zone euro", a-t-elle déclaré. "Nous faisons partie d'un même ensemble mais il y a des règles et donc il était important que la Grèce dise clairement aujourd'hui qu'elle ne nous demande pas d'argent."

LES MARCHÉS PRUDENTS

Auparavant, dans une déclaration commune lue par le nouveau président stable du conseil européen Herman Van Rompuy et élaborée lors d'une réunion restreinte, les gouvernements de l'UE s'étaient engagés à prendre des mesures coordonnées pour assurer la stabilité de la zone euro.

Mais ils demandent également à la Grèce de mettre en oeuvre son plan d'austérité budgétaire avec "décision et rigueur".

Comme l'avait annoncé la Commission européenne la semaine dernière, l'exécutif communautaire et la Banque centrale européenne (BCE) réaliseront en mars une première évaluation de l'application du programme grec.

Les marchés n'ont pas attendu pour réagir.

L'euro s'est d'abord apprécié face au dollar lorsque Herman Van Rompuy a fait état d'un accord à la sortie de la réunion entre l'Allemagne, la France, la Grèce et les présidences de la BCE, de la Commission européenne et du Conseil européen.

Mais, rapidement, face à l'absence de détails sur la nature et les implications de ce soutien européen, la monnaie unique a fléchi et cette tendance s'est ensuite confirmée, en dépit des déclarations franco-allemandes.

L'écart de rendement entre les Bunds allemands et les obligations grecques à 10 ans s'est resserré d'une dizaine de points de base mais restait de 266 bps à la mi-journée, alors que le coût d'assurance du risque de défaut de la Grèce sur sa dette souveraine s'est apprécié.

"Un accord a bien été trouvé mais au bout du compte, le diable est dans les détails", résumait un trader à Londres.

ACHATS D'OBLIGATIONS GRECQUES

Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont refusé avec constance de livrer la moindre indication sur les modalités pratiques du soutien européen pour s'en tenir au volet politique.

"Là il y a un principe. Quant aux modalités nous nous réservons de voir les évolutions pour les calibrer", a dit le président français.

Selon plusieurs sources diplomatiques européennes, des achats d'obligations grecques par des banques publiques de la zone euro sont l'une des options à l'étude.

"Il y a plusieurs pistes. Ce sera différent d'un pays à l'autre (...) Il y aura lundi lors de l'Eurogroupe une discussion sur les modalités d'intervention. Le mécanisme envisagé pourrait éventuellement être en plusieurs étapes, avec des déclenchements à certains niveaux", a dit l'une d'elles.

"La clé de répartition serait en fonction du poids dans la zone euro", a ajouté ce diplomate de haut rang, selon qui le principal obstacle à un accord sur les modalités pratiques de cette aide est l'absence de consensus au sein de la coalition gouvernementale au pouvoir en Allemagne.

Un autre diplomate a déclaré que les pays de la zone euro avaient discuté de tous les instruments théoriques possibles : mécanismes communautaires, aides bilatérales et rôle du Fonds monétaire international (FMI), même si l'intervention de ce dernier se limitera "pour le moment" à une aide technique.

Édité par Wilfrid Exbrayat