* Chypre obtient une aide de 10 milliards d'euros

* Les dépôts bancaires seront taxés

* Le FMI pourrait contribuer, ainsi que la Russie (Actualisé avec la conférence de presse)

par Annika Breidthardt et Julien Ponthus

BRUXELLES, 16 mars (Reuters) - Les ministres des Finances de la zone euro ont annoncé samedi dix milliards d'euros d'aide pour Chypre mais ont brisé un tabou pour leur cinquième plan de sauvetage national en mettant à contribution les déposants des banques de l'île.

Chypre est le cinquième pays après la Grèce, l'Irlande, le Portugal et l'Espagne à se tourner vers la zone euro pour obtenir une aide financière dans le contexte de la crise de la dette souveraine qui a commencé en 2010.

Au terme d'une réunion de plus de dix heures à Bruxelles, les dirigeants européens qui étaient entourés de ceux de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international, ont validé une ponction de 9,9% sur les dépôts bancaires supérieurs à 100.000 euros et de 6,75% en deçà.

"Dans la mesure où c'est une contribution à la stabilité financière de Chypre, il paraît équitable de demander une contribution à tous les déposants", a commenté lors d'une conférence de presse le président de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem.

Le Néerlandais a précisé que cette ponction représentait environ 5,8 milliards euros. Jörg Asmussen, membre du directoire de la BCE, a indiqué que les autorités chypriotes avaient déjà pris les devants en procédant au gel des sommes visées.

"Les autorités ont commencé la mise en oeuvre dès ce soir (vendredi)", a-t-il indiqué, une mesure qui prévient une panique bancaire et une fuite des capitaux du pays.

Ce précédent pourrait avoir de lourdes conséquences si d'autres plans de sauvetage devaient encore intervenir dans la zone euro car il inciterait les épargnants à retirer leur argent de leur banque pour le mettre à l'abri hors des frontières nationales.

"L'Eurogroupe a fait ce qu'il avait à faire", a sobrement commenté à sa sortie de l'Eurogroupe le ministre français des Finances, Pierre Moscovici.

Grâce à cette mesure exceptionnelle mais controversée, le montant du plan d'aide est bien en deçà des 17 milliards d'euros préalablement envisagés et se situe dans l'hypothèse basse de la fourchette de 10 à 13 milliards d'euros évoquée par Jeroen Dijsselbloem cette semaine.

Pour de nombreux responsables de l'Union, il aurait été invraisemblable d'espérer que Chypre parvienne à rembourser un jour une masse de dettes supplémentaires de 17 milliards d'euros, soit l'équivalent de sa richesse nationale annuelle.

D'autres mesures moins spectaculaires comme la hausse du taux d'imposition des sociétés, qui passe de 10% à 12,5%, ont aussi été adoptées. Chypre pourrait aussi lancer un programme de privatisations.

Fortement exposée à la crise grecque, Chypre a sollicité en juin 2012 une aide pour recapitaliser ses banques et financer ses dépenses publiques.

Un accord n'avait cependant pas pu être scellé avec le précédent gouvernement et les négociations se sont intensifiées avec l'accession au pouvoir des conservateurs.

POSSIBLE CONTRIBUTION RUSSE

Pour certains dirigeants européens comme le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble, les difficultés de Chypre résultent de la trop grande place prise par son système bancaire, par ailleurs soupçonné de pratiques de blanchiment, dont les actifs représentent huit fois le PIB.

Chypre avait déjà fait un geste envers les dirigeants de l'Union européenne en acceptant un audit indépendant sur la manière dont ses banques appliquent les lois anti-blanchiment.

La mise à contribution des déposants des banques chypriotes s'expliquerait aussi par la volonté de faire payer certains hommes d'affaires britanniques ou russes suspectés d'y blanchir de l'argent.

Au vu de ses intérêts financiers dans la stabilité de l'île, la Russie pourrait contribuer à alléger le fardeau de la dette chypriote en aménageant les termes d'un prêt de 2,5 milliards d'euros.

"Mon sentiment est que le gouvernement russe est prêt à faire une contribution en rallongeant la maturité du prêt et en réduisant les intérêts", a précisé le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires Olli Rehn.

La patronne du FMI Christine Lagarde a également dit que son institution pourrait participer au plan européen.

"Le montant exact n'est pas encore spécifié, cela prendra du temps", a-t-elle dit. (Avec Jan Strupczewski, Robin Emmot et John O'Donnel, édité par Danielle Rouquié)