* Ayrault consulte les syndicats sur le pacte de compétitivité

* Le contrôle de l'usage des 20 milliards de crédit d'impôt en question (Actualisé avec FO, CGT)

PARIS, 22 novembre (Reuters) - Les syndicats français se veulent vigilants sur les contreparties pour les salariés et le contrôle de l'utilisation des 20 milliards d'euros de crédit d'impôt proposés aux entreprises par le pacte de compétitivité du gouvernement.

Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault a consulté jeudi les syndicats - CFDT, FO, CGT, CFTC, CFE-CGC - sur la mise en oeuvre de ce texte, dont les dispositions seront incluses dans le collectif budgétaire (PLFR) appelé à être voté le mois prochain.

Le PLFR intègrera ainsi la partie dépenses, un crédit d'impôt de 20 milliards d'euros prévu à partir de 2014 mais mobilisable dès l'an prochain pour les PME, et la partie recettes, des hausses de deux taux de TVA qui entreront en vigueur le 1er janvier 2014.

Les questions de gouvernance, notamment celle du contrôle par les salariés de la bonne utilisation du crédit d'impôt, feront l'objet d'un autre texte "dans le courant de l'année 2013", souligne-t-on de source gouvernementale.

Le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, a dit avoir reçu du Premier ministre et du ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, qui assistait à l'entretien, des garanties sur la bonne utilisation de l'argent public.

"C'est la première fois que j'entends le Premier ministre insister sur le contrôle de l'usage de ces fonds et la mécanique que semble vouloir retenir ce gouvernement, c'est d'adosser ces dispositions au collectif budgétaire", a-t-il dit à la presse.

"Autrement dit, ces mesures de crédit d'impôt seront toujours susceptibles d'être revues si les résultats ne sont pas au rendez-vous", a-t-il ajouté.

Le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, et celui qui succédera à ce poste dans une semaine, Laurent Berger, ont dit avoir reçu des garanties en terme de capacité pour les représentants du personnel "de contrôler et de débattre de l'utilisation" des 20 milliards pour l'investissement, la recherche, "mais aussi qualité de l'emploi".

"J'entends l'engagement du Premier ministre et nous serons, évidemment, plus que vigilants pour qu'il soit respecté jusqu'au bout, c'est pour nous un élément crucial", a dit François Chérèque.

"SALE BESOGNE"

Des droits nouveaux pour les salariés sur la précarité, rendant plus contraignant pour les entreprises le recours aux CDD ou aux missions courtes, et la création d'une mutuelle généralisée pour les personnes perdant leur emploi figurent aussi au nombre des revendications de la CFDT.

"Si le patronat ne nous les lâche pas, en quelque sorte, dans la négociation, nous demanderons tout simplement que dans la deuxième loi, la loi impose ces contreparties aux entreprises", a précisé François Chérèque.

Force ouvrière estime pour sa part qu'il ne revient pas aux salariés, mais à l'Etat, de contrôler l'utilisation du crédit d'impôt. "Les 20 milliards, moi j'appelle ça une aide d'Etat sans condition aux entreprises", a déclaré son secrétaire général, Jean-Claude Mailly.

"La contrepartie, c'est pas un mec dans un conseil d'administration", a-t-il ajouté. "C'est à l'Etat de contrôler l'utilisation de cet argent public. On veut être informés, mais nous ne participerons pas à un contrôle des fonds".

L'Etat "aurait pu dire 'vous aurez des aides à telle ou telle condition'. Ce n'est pas le choix qui est fait", a-t-il poursuivi. "J'espère que c'est pas 20 milliards par la fenêtre".

Bernard Thibault a lui aussi émis des doutes sur un "mécanisme qui n'est pas assez ciblé".

"Les entreprises touchent déjà beaucoup d'argent public au nom de l'emploi, depuis de nombreux gouvernements", a-t-il fait valoir. "Il n'est pas vrai que toutes les entreprises aient besoin d'argent pour survivre".

Sont également attendus les résultats des négociations en cours sur la sécurisation des parcours professionnels visant à parvenir, selon le voeu du président François Hollande, à un "compromis historique" sur ce sujet.

Le CGT juge "hors de question de s'inscrire dans un accord, fut-il qualifié d'historique, qui aurait d'abord comme vocation (...) d'augmenter la flexibilité dans les entreprises".

"Je ne suis pas sûr que le Medef cherche un accord", a aussi estimé Bernard Thibault. "Selon nous, le Medef choisirait peut-être de laisser la sale besogne au gouvernement".

"Une négociation n'est jamais gagnée d'avance, c'est un rapport de forces. Il reste maintenant un mois et demi", a rappelé Laurent Berger à propos de ces pourparlers dont le calendrier est, selon lui, "encore tenable". (Elizabeth Pineau, édité par Yves Clarisse)