(Actualisé avec déclaration du ministère de la Défense)

par Ange Aboa

ABIDJAN, 15 mai (Reuters) - La mutinerie des soldats ivoiriens a semblé gagner de l'ampleur lundi avec d'intenses fusillades signalées à Abidjan et Bouaké, les deux plus grandes villes du pays, une situation de conflit qui ranime les craintes d'une guerre civile.

Les militaires en rébellion depuis quatre jours réclament toujours le versement de primes promises par le gouvernement après un premier soulèvement au mois de janvier que les autorités avaient apaisé par des concessions financières.

Après s'être montré discret pendant deux jours, le ministre de la Défense Alain-Richard Donwahi a déclaré à la télévision d'Etat qu'un accord avec les mutins avait été trouvé, ce que ces derniers ont immédiatement réfuté.

"Ils ont proposé 5 millions de francs CFA (chacun) payables demain. Mais nous voulons 7 millions versés en une seule fois", a notamment déclaré le sergent Seydou Koné.

Tout la journée, la situation est restée très évolutive dans ce pays sorti de la guerre civile en 2011. Un journaliste de Reuters a constaté que plus de 200 camions avaient été contraints de se garer sur le bord de la route par des mutins qui bloquaient les accès sud de Bouaké, dans le centre du pays.

Le principal axe routier à la sortie nord d'Abidjan était, lui, contrôlé par des hommes en uniformes et d'autres en civil qui obligeaient les automobilistes à faire demi-tour, ont rapporté des témoins.

Dans la capitale économique, des commerces et les établissements bancaires se sont résolus à baisser leur rideau, de "nombreux employés n'ayant pu se rendre sur leur lieu de travail", a indiqué un exportateur de matières premières.

Des tirs nourris avaient été entendus par des habitants vers 05h00 du matin dans le quartier proche de l'ambassade des Etats-Unis et de la résidence d'Alassane Ouattara.

PAS DE COMBATS À BOUAKÉ

Un autre habitant d'Abidjan a précisé que les soldats mutinés étaient sortis du plus grand camp militaire du pays et avaient érigé des barricades, paralysant la circulation sur l'une des artères principales de l'est de la ville.

Des coups de feu ont également été signalés dans la cité portuaire de San Pedro, plaque tournante de l'exportation de cacao, où selon des habitants les commerces ont été fermés et les gens se sont réfugiés chez eux.

Des tirs nourris ont été également entendus à Daloa, ville du centre-ouest de la Côte d'Ivoire, au coeur des régions productrices de cacao.

La Fédération des banques de Côte d'Ivoire (APBEF) a demandé à toutes les banques de rester fermées lundi, du fait de la détérioration de la situation.

"Une réunion extraordinaire s'est tenue ce matin et l'APBEF a décidé, pour des raisons de sécurité, que toutes les banques resteraient fermées", a dit à Reuters un haut responsable de la Banque Atlantique, sous le sceau de l'anonymat.

Plusieurs écoles proches du camp militaire d'Abidjan sont restées fermées et la Banque africaine de développement (Bad) , qui emploie des milliers de personnes, a demandé lundi à son personnel de ne pas venir.

Un porte-parole des mutins a démenti qu'il y ait eu des combats à Bouaké, assurant que les renégats tiraient en l'air pour dissuader l'armée de progresser vers la ville.

Les 8.400 mutins qui se sont révoltés au début de l'année, pour la plupart des anciens rebelles à qui ont été promis des primes, ont touché cinq millions de francs CFA (7.700 euros) chacun pour stopper leur mouvement en janvier. Le gouvernement ne leur a cependant pas encore versé les sept millions de francs CFA restant dus. (avec Joe Bavier; Eric Faye et Pierre Sérisier pour le service français)