Pour lutter contre des "pulsions protectionnistes" exacerbées par la montée du chômage, Pascal Lamy espère voir les négociations commerciales du cycle de Doha aboutir enfin cette année et prône aussi une réglementation financière plus attentive aux spécificités du commerce international.

Au plus fort de la crise, début 2009, le commerce mondial s'était effondré de 30% en valeur et de 20% en volume, a-t-il rappelé lors d'un colloque organisé par l'assureur-crédit Coface à Paris. Au final, la baisse sur l'ensemble de 2009 devrait être de 10% en volume.

"Notre hypothèse n'est pas une hypothèse de déglobalisation, la crise n'a pas provoqué de changement notable des opinions publiques à l'égard de la globalisation même si cette moyenne est faite d'opinions plus nuancées dans les pays riches et d'un enthousiasme sans cesse croissant dans les pays émergents", a souligné Pascal Lamy.

"Le commerce international va retrouver son dynamisme mais avec une certaine décélération", a-t-il prédit.

Le patron français de l'OMC a mis en garde contre la tentation de fermer les frontières et l'excès de zèle des régulateurs financiers.

"En gros, la discipline de l'OMC a été acceptée et en cela elle a joué son rôle de police d'assurance contre le protectionnisme", a-t-il dit.

"Le système a tenu mais la pulsion protectionniste est (...) fortement corrélée à la situation du marché de l'emploi et nous savons que dans les mois ou peut-être les deux années qui viennent la situation sur le marché de l'emploi va continuer à se détériorer et donc la pression va demeurer".

DERNIER COUP D'ÉPAULE POUR DOHA

"Nous savons désormais que le protectionnisme ne protège pas, contrairement à ce que son nom pourrait indiquer ou inspirer à tel ou tel leader politique", a-t-il assuré.

La conclusion d'un accord aux négociations commerciales de Doha constituerait un acte fort pour résister à la tendance protectionniste, a poursuivi Pascal Lamy.

Le cycle de Doha, entamé en décembre 2001 dans la capitale du Qatar pour libéraliser et développer les échanges commerciaux, s'est depuis enlisé sur fond de conflit entre pays riches et pays en développement.

"80% du travail est fait, reste à savoir si on donne le coup d'épaule final", a affirmé Pascal Lamy.

Devant le parterre d'exportateurs, il a aussi fustigé les régulateurs et superviseurs financiers du comité de Bâle en formant le voeu qu'ils "arrivent à faire la différence entre une lettre de crédit et un dérivé de crédit", le premier étant un outil de financement quand le second est un produit financier traité sur les marchés.

"Il faut trouver le bon équilibre en matière de régulation financière", a-t-il plaidé.

Le patron de l'OMC a encore noté que la crise avait révélé des évolutions profondes, à commencer par la montée en puissance des économies émergentes.

"Il n'y a pas eu découplage dans la crise, il y aura probablement découplage après la crise", a-t-il dit, notant que la baisse du commerce mondial n'avait été que de 6% dans ces pays en 2009, deux fois moins que dans les économies avancées.

Il a demandé de ne pas oublier les pays les moins avancés qui, après avoir été frappés comme les autres par la crise, risquent de souffrir davantage encore de l'après-crise. "Ce sont des pays dont la croissance nous sera nécessaire", a-t-il plaidé.

Véronique Tison, édité par Yves Clarisse