par Khaled Yacoub Oweis

AMMAN, 16 janvier (Reuters) - La rivalité entre le Qatar et l'Arabie saoudite alimente les dissensions au sein de l'opposition syrienne et pourrait l'empêcher d'envoyer une délégation représentative à la conférence de Genève II qui doit s'ouvrir mercredi prochain.

On ignore encore si ces divergences peuvent être surmontées avant vendredi, date à laquelle les 120 membres de la Coalition nationale syrienne (CNS), qui fédère les différentes composantes de l'opposition en exil, se prononcera sur sa participation à la conférence, dit-on de sources proches de l'organisation et dans les milieux diplomatiques.

Certains espèrent toutefois que le Qatar, arrivé en force sur la scène diplomatique avec le "printemps arabe", ne prendra pas le risque de se mettre l'Arabie, la Turquie et les Occidentaux à dos en prônant le boycott de Genève II.

La semaine dernière, 44 membres de la CNS pour la plupart proches de Doha, ont quitté la réunion de l'organisation pour exprimer leur hostilité à une participation sans assurances que leurs principales revendications seront prises en compte. Ils protestaient en outre contre l'élection à la présidence de la CNS d'Ahmed Djarba, qui a le soutien de Ryad.

Le rôle du Qatar, qui apporte son aide à des djihadistes syriens, a été évoqué dimanche à Paris lors d'une réunion des "Amis de la Syrie", qui s'est déroulée en présence du secrétaire d'Etat américain John Kerry, dit-on de sources diplomatiques.

"Le message était que tout le monde doit soutenir Genève et cesser d'aider des activistes. On a clairement laissé entendre qu'il revenait au Qatar de convaincre la coalition d'aller négocier", a déclaré un délégué présent à Paris.

Le ministre qatari des Affaires étrangères, qui a également assisté à la réunion, a pour sa part assuré que Doha n'avait pas de préférences en ce qui concerne les différentes composantes de l'opposition.

ÉLARGIR POUR RÉTABLIR L'ÉQUILIBRE

La conférence de Genève suscite peu d'enthousiasme dans les rangs de la CNS. Ses membres n'attendent guère de concessions de la part de Damas, dont les forces ont le vent en poupe, et n'ont aucune illusion quant à leur revendication principale concernant la mise à l'écart de Bachar al Assad.

Dans ces circonstances, beaucoup craignent qu'une participation ne porte atteinte à leur légitimité aux yeux d'une insurrection de plus en plus dominées par les mouvements islamistes.

Un boycott de la conférence ne serait toutefois pas du goût des parrains internationaux de la CNS, qui pourrait lui retirer du coup une partie de leurs soutiens.

"La coalition est priée d'aller à Genève sans même savoir si les discussions permettront d'aboutir à quoi ce soit, ne serait-ce qu'à sauver la face devant le peuple syrien", a regretté Nasr al Hariri, au nom des 44 frondeurs de la dernière réunion.

"Le seul moyen de faire en sorte que la Coalition fonctionne comme une coalition c'est de l'élargir pour rétablir l'équilibre et trouver un président consensuel", a-t-il ajouté.

Les proches d'Ahmed Djarba eux-mêmes rechignent à se rendre à Genève sans savoir s'ils pourront y obtenir des concessions telles que la remise en liberté de détenus ou la levée du siège des faubourgs de Damas tenus par les rebelles.

Le Comité national de coordination, mouvement rival de la CNS formé d'opposants centristes dont certains, tolérés par Assad, vivent toujours à Damas, a fait savoir mercredi qu'il n'enverrait pas de délégation sur les bords du lac Léman mercredi.

A l'appui de sa décision, il dit regretter que la Russie n'ai fait aucun effort pour convaincre les autorités syriennes de se montrer conciliantes et déplore que les Etats-Unis n'ai pas fait le nécessaire pour former une délégation de l'opposition "équilibrée et convaincante".

(Jean-Philippe Lefief pour le service français)