* L'Arabie saoudite est prête à signer un contrat d'armement majeur

* En échange, la Russie modérerait son soutien à Assad

* La proposition a été présentée directement à Poutine

par Khaled Yacoub Oweis et Amena Bakr

AMMAN/DOHA, 7 août (Reuters) - L'Arabie saoudite propose à la Russie de conclure un contrat d'armements majeur et d'autres incitations économiques en échange d'une modération du soutien que Moscou apporte à Bachar al Assad, notamment au Conseil de sécurité de l'Onu, affirment des sources au Moyen-Orient et des diplomates occidentaux contactés mercredi par Reuters.

La proposition a été exposée au président russe Vladimir Poutine la semaine dernière à Moscou par le prince Bandar ben Sultan, chef du renseignement saoudien, ajoute-t-on de même source.

D'après des membres de l'opposition syrienne proches de Ryad, l'Arabie saoudite serait prête à acheter jusqu'à 15 milliards de dollars d'armes russes et garantirait de même à la Russie de ne pas nuire à sa position de principal fournisseur de gaz naturel sur le marché européen.

En retour, l'Arabie saoudite demanderait à Moscou de réduire son soutien au régime syrien et de ne plus opposer son veto à un éventuel projet de résolution au Conseil de sécurité des Nations unies, où trois tentatives ont été mises en échec par la Russie depuis le début de la crise syrienne, en mars 2011.

Une source dans le Golfe informée de ce "marchandage" a confirmé que le prince Bandar avait proposé d'acquérir d'importantes quantités d'armes russes mais a ajouté qu'aucun chiffre n'avait été avancé lors de cette rencontre.

A en croire un responsable politique libanais proche de Ryad, la réunion entre Bandar et Poutine a duré quatre heures et "les Saoudiens étaient euphoriques" en sortant.

Dmitri Peskov, porte-parole du président russe, n'a pu être contacté dans l'immédiat, ni le ministère saoudien des Affaires étrangères.

FRÉMISSEMENT

Des diplomates précisent cependant que la première réaction de Vladimir Poutine aurait été peu probante. Un diplomate occidental en poste au Moyen-Orient estime même qu'il est peu probable que le chef du Kremlin soit disposé à marchander sa position stratégique dans la région contre un contrat d'armements, quel qu'en soit le montant.

Il ajoute que les autorités russes semblent aussi douter que l'Arabie saoudite dispose d'un plan solide visant à assurer la stabilité en Syrie si Assad devait tomber.

D'autres diplomates font cependant observer que dans la foulée de la réunion de Moscou, la Russie a fait pression sur le président syrien pour qu'il accepte la venue de la mission d'enquête de l'Onu sur l'utilisation présumée d'armes chimiques dans le conflit syrien.

"Cette réunion était l'une de ces rencontres qui ne sont pas rendues publiques mais qui pourraient se révéler plus importantes que les efforts diplomatiques menés au grand jour", dit un diplomate.

Un haut responsable de l'opposition syrienne précise que le prince Bandar "s'est efforcé de dissiper les deux principales inquiétudes de la Russie: que des extrémistes islamistes remplacent Assad et que la Syrie devienne une plate-forme pour les exportations de gaz du Golfe, notamment du Qatar, aux dépens de la Russie".

"Bandar a proposé d'intensifier la coopération économique, militaire et énergétique avec Moscou", ajoute-t-il.

La composante religieuse du conflit syrien (Assad appartient à la minorité alaouite, une branche de l'islam chiite; les insurgés sont principalement sunnites) se retrouve dans les alliances régionales.

L'Arabie saoudite et d'autres puissances sunnites, le Qatar en tête, soutiennent la rébellion quand le régime d'Assad bénéficie de l'appui militaire de l'Iran et du renfort de combattants chiites du Hezbollah libanais et d'Irak.

La Russie continue de son côté à approvisionner en armes la Syrie, où elle dispose à Tartous de son unique base navale donnant sur la Méditerranée, et à soutenir son régime. (avec Thomas Grove à Moscou; Henri-Pierre André pour le service français)