BANGALORE/PARIS (Reuters) - La société suisse MSC Mediterranean Shipping Co va cesser d'utiliser le canal de Suez à la suite d'une attaque contre l'un de ses navires, a annoncé samedi la plus grande compagnie de transport maritime par conteneurs au monde, tandis que l'armateur français CMA CGM a ordonné à ses équipages d'éviter cette voie de navigation.

Ces dernières semaines, le mouvement Houthi du Yémen, soutenu par l'Iran, a attaqué des navires en mer Rouge, une route cruciale qui permet au commerce est-ouest, et notamment au pétrole, d'emprunter le canal de Suez pour éviter le temps et les frais supplémentaires liés au contournement de l'Afrique.

Selon les Houthis, le navire MSC Palatium III, battant pavillon libérien, a été attaqué vendredi par un drone dans le détroit de Bab al-Mandab, à l'extrémité sud de la mer Rouge.

Aucun blessé n'a été signalé, mais le navire a subi des dommages dus à l'incendie et a été mis hors service, a indiqué MSC dans un communiqué. Un autre navire battant pavillon libérien, l'Al Jasrah, a été touché par un missile, qui a également déclenché un incendie, selon l'armée américaine.

Le géant du transport maritime CMA CGM, basé à Marseille, a de son côté fait savoir dans une déclaration transmise à Reuters qu'il avait pris ces derniers jours "des mesures de prévention accrues pour assurer la sécurité de (ses) navires et de leurs équipages navigant dans ces eaux", au moment où "la situation continue de se détériorer et les inquiétudes en matière de sécurité augmentent".

"Nous avons donc décidé d'ordonner à tous les porte-conteneurs de CMA CGM dans la région qui doivent passer par la mer Rouge de rejoindre des zones sûres et d'interrompre leur voyage dans des eaux sûres, avec effet immédiat et jusqu'à nouvel ordre", a précisé l'armateur français, qui dit prendre "toutes les mesures nécessaires pour préserver ses services de transport pour ses clients".

POURPARLERS SOUS LA MÉDIATION D'OMAN

Ces dernières semaines, les Houthis ont multiplié les attaques contre les navires et tiré des drones et des missiles en direction d'Israël - samedi, ils ont touché la station balnéaire d'Eilat, sur la mer Rouge - afin de soutenir le groupe islamiste palestinien Hamas, appuyé par l'Iran, qui lutte contre Israël à Gaza.

Un porte-parole des Houthis du Yémen, Mohamed Abdel-Salama, a déclaré samedi que le groupe s'engageait dans des pourparlers, sous la médiation d'Oman, avec des "parties internationales" au sujet des "opérations" en cours en mer Rouge et en mer d'Oman.

Les Houthis, qui règnent sur une grande partie du Yémen, ont promis de poursuivre leurs attaques jusqu'à ce qu'Israël mette fin à son offensive, mais ils ont déclaré vendredi qu'ils ne visaient que les navires se rendant dans les ports israéliens.

Toutefois, le Palatium III et un autre navire de MSC menacé, l'Alanya, ont annoncé Jeddah, en Arabie saoudite, comme destination, d'après les données du fournisseur de services de suivi des navires et d'analyse maritime MarineTraffic.

Bab al-Mandab est l'une des routes les plus importantes au monde pour le transport maritime de marchandises, en particulier le pétrole brut et le carburant du Golfe à destination de la Méditerranée via le canal de Suez ou l'oléoduc SUMED, situé à proximité, ainsi que les marchandises à destination de l'Asie, notamment le pétrole russe.

La Grande-Bretagne a déclaré samedi qu'un de ses navires de guerre avait abattu un drone d'attaque présumé qui ciblait la marine marchande dans la région.

En réaction à la multiplication des attaques, la société danoise A.P. Moller-Maersk a interrompu vendredi toutes ses expéditions de conteneurs via Bab al-Mandab jusqu'à nouvel ordre, et la compagnie allemande de transport de conteneurs Hapag Lloyd a indiqué qu'elle pourrait faire de même, quelques heures après avoir signalé que l'un de ses navires, l'Al Jasrah, avait été attaqué près du Yémen.

MSC a déclaré qu'elle réorienterait certains services autour du cap de Bonne-Espérance, à l'extrémité sud de l'Afrique, ce qui allongerait de plusieurs jours les trajets des navires qui devaient passer par le canal de Suez.

(Reportage Gursimran Kaur à Bangalore et Ahmed Tolba au Caire ; rédigé par Kevin Liffey, Mathieu Rosemain, Benjamin Mallet et Elizabeth Pineau à Paris)