par Will Dunham

WASHINGTON, 8 novembre (Reuters) - Il fut l'un des plus jeunes sénateurs élus de l'histoire des Etats-Unis, à 29 ans en 1972. Il sera le 20 janvier le plus vieux président américain à prêter serment sur les marches du Capitole, à l'âge de 78 ans, parachevant une longue et patiente ascension politique.

"Avec l'âge, on gagne un peu de sagesse", avait confié le candidat démocrate avant la clôture des bureaux de vote mardi, jour de l'élection présidentielle. Après quatre jours d'un dépouillement interminable, les grands médias américains l'ont déclaré vainqueur samedi, même si Donald Trump refuse toujours d'admettre sa défaite.

Son âge aurait pu le desservir pendant la campagne, marquée par les attaques du président républicain sortant contre "Sleepy Joe" (Joe l'endormi) et ses capacités mentales.

L'entourage du milliardaire, qui reste à ce jour le plus vieux président de l'histoire américaine, investi à l'âge de 70 ans en janvier 2017, a tenté de dépeindre l'ancien vice-président de Barack Obama comme un vieillard sénile.

Mais en acceptant sa nomination comme candidat du Parti démocrate en août dernier, Joe Biden a retourné l'argument en axant son discours autour de deux maîtres mots, la compassion et la décence, évoquant ses propres épreuves personnelles.

Cette rhétorique a résonné chez une partie de l'électorat américain, traumatisé par la pandémie de coronavirus.

"Je serai l'allié de la lumière, non de l'obscurité", a-t-il annoncé alors. Samedi soir, en se proclamant 46e président des Etats-Unis, il a promis de chercher à unifier un pays divisé à l'extrême après quatre années de présidence Trump.

"La Bible nous enseigne qu'il y a une saison pour tout, un temps pour construire, un temps pour récolter et un temps pour semer, et un temps pour guérir. Le moment est venu de guérir en Amérique", a-t-il déclaré.

DRAMES PERSONNELS

Catholique pratiquant, Joe Biden parle ouvertement des drames personnels qu'il a vécus: la mort de sa première femme Neilia et de leur petite fille de 13 mois Naomi dans un accident de voiture en 1972, quelques semaines après son élection au poste de sénateur du Delaware, où ses parents se sont installés quand il avait 10 ans.

A l'époque, ce fils aîné d'une famille irlandaise d'origine modeste, né le 20 novembre 1942 à Scranton, en Pennsylvanie, est un novice en politique. Il n'a occupé qu'un poste dans la législature d'un comté du Delaware pendant deux ans avant d'être élu à la chambre haute. Enfant, il souffrait de bégaiement qu'il s'employait à gommer en récitant des poèmes devant un miroir.

Après la mort de sa femme et sa fille, Joe Biden hésite à abandonner sa carrière politique pour s'occuper de ses deux fils qui ont survécu à l'accident, mais continue finalement de travailler au Congrès, en se rendant tous les jours en train de son domicile du Delaware à Washington.

En 2015, Joe Biden perd son fils Joseph "Beau" Biden III, ancien combattant de la guerre d'Irak et procureur général du Delaware, terrassé par un cancer du cerveau à l'âge de 46 ans. Son autre fils, Hunter, se débat avec des problèmes d'addiction à la drogue.

PARTISAN DU BIPARTISME

Joe Biden a lui-même été victime de deux ruptures d'anévrisme en 1988. La même année, il s'est lancé pour la première fois dans la course aux primaires démocrates pour l'élection présidentielle, mais il a dû renoncer après avoir été accusé d'avoir plagié certains extraits d'un discours du leader travailliste britannique Neil Kinnock.

Il retente sa chance en 2008, mais face au manque d'enthousiasme que suscite sa candidature, il se retire, avant que Barack Obama ne vienne le repêcher en le choisissant comme colistier.

Sous la présidence du premier président noir de l'histoire des Etats-Unis, Joe Biden, qui connaît parfaitement les arcanes du Congrès où il a passé 36 ans en tant que sénateur, endosse volontiers le rôle de conciliateur sur les dossiers de politique étrangère ou des questions de société comme le contrôle des armes ou la politique budgétaire.

Barack Obama ne suit pas forcément ses conseils. Malgré les craintes de Joe Biden, qui redoute les risques d'une telle opération, le président donne son feu vert en mai 2011 au raid des forces spéciales américaines qui conduira à la mort d'Oussama ben Laden au Pakistan.

Joe Biden n'en sera pas moins un allié fidèle du président, même si ce dernier préfère confier les clés de sa succession à Hillary Clinton en 2016. Quatre ans plus tard, ce fils d'un vendeur de voitures a réussi à retrouver le vote ouvrier qui avait fait cruellement défaut à l'ancienne secrétaire d'Etat face à Donald Trump.

En choisissant comme colistière la sénatrice californienne Kamala Harris, âgée de 56 ans, née d'un père jamaïcain et d'une mère indienne, il a également convaincu l'électorat afro-américain qu'il serait entendu à la Maison blanche.

En dépit des tensions permanentes qui agitent le Congrès depuis des années, en raison d'une polarisation croissante du paysage politique, Joe Biden reste un partisan convaincu du bipartisme.

Lors de ses mandats de sénateur, ce membre de l'aile centriste du Parti démocrate était connu pour entretenir des relations étroites avec certains de ses collègues républicains.

L'un de ses domaines de prédilection était la politique extérieure - il a présidé la commission sénatoriale des Affaires étrangères. Il a voté en 2003 pour la guerre en Irak déclenchée par George W. Bush, avant de devenir un détracteur de la gestion du conflit par le président républicain.

De nombreux dirigeants de la planète, notamment en Europe, l'ont rapidement félicité samedi pour sa victoire, visiblement soulagés de tourner la page des années Trump. (version française Jean-Stéphane Brosse)