* Certains Ukrainiens de souche ne se sentent plus en sécurité

* Ils représentent le deuxième groupe ethnique de Crimée

* Il y a parmi eux des étudiants ou des soldats

par Aleksandar Vasovic

SIMFEROPOL, Ukraine, 22 mars (Reuters) - Au moment où les Russes de Crimée célèbrent le rattachement de la péninsule à la Russie, la plupart des Ukrainiens de souche vivent quasiment retranchés et certains d'entre eux préparent même leur départ définitif.

Quelques-uns se sont réunis dans un petit café du centre historique de Simféropol, la capitale régionale, pour suivre sur internet les derniers développements de la crise et réfléchir à leur avenir.

"Nous sommes prêts, nos valises aussi et nous pouvons partir demain si nous le décidons", assure Sergueï, un entrepreneur de 64 ans qui refuse de donner son nom de famille par peur d'éventuelles représailles.

"Les beaux jours en Crimée sont finis", selon ce natif de Kharkiv, une ville de l'est de l'Ukraine, qui s'est établi en Crimée il y a une trentaine d'années. "Je vais essayer de vendre mon entreprise dans les prochains jours, pour arrêter les pertes, puis partir", dit-il en buvant son café.

Les Ukrainiens représentent 23% de la population de Crimée, ce qui en fait le deuxième groupe ethnique de cette région de deux millions d'habitants, derrière les Russes - 58%.

Beaucoup d'entre eux ont pris la direction des bords de la mer Noire après 1954, quand l'URSS de Nikita Khrouchtchev a fait don de la presqu'île à l'Ukraine.

L'histoire a refait basculer la Crimée du côté de Moscou après l'éviction, le 22 février à Kiev, du président ukrainien pro-russe Viktor Ianoukovitch et l'arrivée au pouvoir de nouveaux dirigeants.

Vendredi, Vladimir Poutine a signé les lois parachevant le processus d'intégration de la région à la Fédération de Russie, en dépit du concert de protestations des pays occidentaux et du pouvoir central ukrainien.

Le président russe a justifié cette annexion par le souci de protéger les Russes d'origine contre les "fascistes", selon son expression, arrivés au pouvoir à Kiev.

Ce faisant, il a entériné un choix décidé par près de 97% des électeurs qui ont fait le déplacement dimanche dernier à l'occasion d'un référendum hautement contesté.

"PEUR"

Désormais, certains Ukrainiens de Crimée disent se sentir menacés par les milices fidèles au Premier ministre pro-russe de la région, Sergueï Axionov, comme par leurs voisins.

"Ça fait vraiment très peur de rester ici, parce que si vous avez un avis différent de la position radicale des pro-russes, vous vous exposez à des violences", a estimé dans une récente interview la directrice d'un centre artistique de Simféropol, Galina Djikayeva.

D'après la députée ukrainienne Galina Loutkovska, environ 900 personnes ont traversé l'isthme pour gagner d'autres régions où, selon eux, leur sécurité ne sera pas menacée.

"Les garde-frontières conservent des statistiques concernant les gens qui vont vers d'autres régions. Il y a parmi eux des familles entières et des gens qui voyagent seuls", a dit à l'agence de presse Ukrinform cette parlementaire responsable de la question des droits de l'homme.

Certains étudiants venus d'Ukraine continentale pour étudier en Crimée font également part de leur volonté de rebrousser chemin.

"Je ne sais pas si, en tant qu'Ukrainienne, je me sentirais mal à l'aise à l'idée de vivre en Russie. Mais je n'accepte pas cet état de fait, je n'en ai pas envie", explique Xénia Semenchenko, étudiante en histoire.

La question se pose aussi pour de nombreux soldats ukrainiens, dont les bases sont tombées entre les mains des forces russes. Beaucoup resteront en Crimée, leur région de naissance, mais d'autres se disent prêt à changer d'affectation.

"Je vais déménager avec ma famille en Ukraine continentale et y effectuer mon service", prévoit un jeune officier, Slavik, qui était en poste près de Simféropol. "Nous partirons dès que j'aurai reçu mes ordres."

(Simon Carraud pour le service français, édité par Eric Faye)