par Trevor Hunnicutt

NEW YORK, 1er octobre (Reuters) - Les investisseurs américains ne récompensent par les sociétés qui affichent régulièrement de bons résultats, préférant adopter une stratégie sélective qui revient à privilégier les entreprises affichant des taux de croissance les plus élevés.

Les entreprises de qualité, choisies pour leur bilan solides et la stabilité de leurs résultats, ne se sont appréciées que de 12% cette année, selon Goldman Sachs, alors que l'indice S&P-500 a progressé de 13,8% sur la même période.

En revanche, les investisseurs sont irrémédiablement attirés par des sociétés qui affichent les plus forts taux de croissance de leur chiffre d'affaires : un groupe de valeurs de ce type suivi par Goldman Sachs a gagné 20% cette année.

Autrement dit, les gérants sélectifs, qui ont retenu des titres aux perspectives de résultats stables, sont pénalisés.

Ce manque d'intérêt pour la qualité a même découragé certains gérants reconnus comme Whitney Tilson qui a fermé cette semaine son fonds alternatif Kase Capital Management LLC.

"Historiquement, j'ai investi dans des valeurs sûres et de bonne qualité à de bons prix, ainsi que dans valeurs de moindre qualité à des prix décotés", a-t-il écrit à ses investisseurs.

"Mais compte tenu du niveau élevé des cours et de la complaisance qui domine actuellement sur le marché, mes valeurs sûres préférées (comme Berkshire Hathaway et Mondelez ) ne paraissent pas bon marché, et mes valeurs bon marché préférées (comme Hertz et Spirit Airlines ) ne paraissent pas sûres. D'où ma décision de fermer."

Pourtant, certains gérants parient que les marchés vont sortir de leur torpeur avec la fin de la politique monétaire ultra accommodante et des taux d'intérêt quasi nuls.

"Dans un environnement comme celui que nous avons - où personne ne tient vraiment à connaître la valeur des choses - c'est possible de sous-performer, mais avec le temps, la réalité s'impose, comme toujours", dit Sean O'Hara, de Pacer Financial.

LE LUXE DE LA CROISSANCE

Il note que les actifs de qualité sous-performent quand les investisseurs sont prêts à acheter des titres sans se préoccuper de leur valorisation et que les marchés ont été soutenus par la politique très accommodante de la Réserve fédérale américaine.

Ce mois-ci, la Fed, comme prévu, a annoncé qu'elle allait commencer à inverser le mouvement progressivement.

Pacer Finanicial est l'une des sociétés de gestion qui parie que la qualité reprendra ses droits. "Ses ETF "vaches à lait" achètent des sociétés au cash flow élevé et aux bilans sains.

Pour le moment, la tendance a été menée par les "FANG" - Facebook, Amazon.com, Netflix et la maison mère de Google Alphabet - et un petit groupe de titres moins connus comme Celgene et Equinix.

Toutes ces sociétés ont connu une croissance robuste dans un environnement de croissance américaine plutôt faible, même si certaines sont loin de respecter les critères de qualité.

Netflix par exemple a aligné 12 trimestres de flux de trésorerie disponible négatifs et la société a averti que ce flux pourrait ne pas être positif pendant de nombreuses années compte tenu de ses investissements dans le contenu.

Quoiqu'il en soit, la croissance du nombre de ses abonnés continue de dépasser les attentes du marché et la valeur a pris plus de 45% depuis le début de l'année.

Les gérants acceptent ainsi de payer une prime pour le luxe que représente la perspective d'une croissance des résultats.

Raffaele Savi, gérant chez BlackRock, dit qu'une forte croissance des revenus est "plus rare qu'elle ne l'a souvent été dans le passé", compte tenu d'une croissance américaine d'environ 2% par an. Mais maintenant que la Fed est engagée dans un cycle de hausse des taux, les investisseurs s'attendent à ce que la dynamique du marché se transforme.

"Quand la presse annonce que de grands investisseurs et fonds alternatifs jettent l'éponge parce qu'ils n'arrivent pas à comprendre le marché, c'est un signe que le vent est sur le point de tourner", dit Scott Minerd de Guggenheim Partners LLC.

Un investisseur fait également remarquer que la qualité des résultats est aussi plus difficile à évaluer, sachant que les géants de la technologie par exemple tirent davantage de valeur ces derniers temps des services, des licences et des marques, éléments intangibles qu'il n'est pas facile de valoriser. (Juliette Rouillon pour le service français)