(Répétition sans changement d'une dépêche diffusée dimanche)

par April Joyner

NEW YORK, 15 juillet (Reuters) - Le contexte de vives tensions commerciales et de rendements obligataires faibles pourrait faire le jeu des valeurs défensives à Wall Street malgré la saison des résultats qui, parce qu'elle s'annonce excellente, devrait en théorie les laisser dans l'ombre.

Les secteurs défensifs, qui se caractérisent par la stabilité de leurs résultats et dividendes, ont marqué le pas pendant les premiers mois de 2018. Les services aux collectivités, l'immobilier, les télécommunications et les produits de consommation de base ont tous cédé du terrain au premier semestre alors que le S&P-500, l'indice de référence de la Bourse américaine, a gagné plus de 4% en six mois.

Mais avec le retour du risque géopolitique, leur retour en grâce a été spectaculaire depuis un mois. Les services aux collectivités ("utilities") ont bondi de 7,7% sur les 30 derniers jours et l'immobilier a gagné 3%, réalisant les deux meilleures performances sectorielles du S&P qui lui n'a progressé que de 0,4% dans le même temps.

Les biens de consommation de base ("staples") ont pour leur part repris 2,5%.

A l'opposé, plusieurs secteurs cycliques, sensibles à la croissance économique et recherchés par les investisseurs en période d'appétit pour le risque, ont reculé sur la période.

Le compartiment des valeurs industrielles a lâché 3,9% sur le mois écoulé, celui des matériaux 3,6% et les financières ont abandonné 2,7%.

Plusieurs facteurs expliquent cette rotation en faveur des valeurs défensives.

Recherchées pour leur rendement, elles tendent à surperformer quand les taux longs sont bas. Or le rendement des Treasuries à 10 ans a reflué depuis son pic récent à 3,0% au début juin.

L'offensive commerciale de l'administration Trump contre la Chine et l'Union européenne a parallèlement incité les investisseurs à rechercher la stabilité. Mardi, la Maison blanche a proposé des surtaxes de 10% sur 200 milliards de dollars (170 milliards d'euros) d'importations chinoises supplémentaires.

Enfin, les résultats trimestriels meilleurs que prévu publiés lundi par PepsiCo ont remis le secteur de la consommation de base au goût du jour. Sept des 25 "consumer staples" du S&P-500 ont publié leurs comptes à ce stade et, parmi elles, 86% ont annoncé des bénéfices et chiffres d'affaires supérieurs aux attentes des analystes. Or les valeurs défensives sont le plus souvent à la traîne des autres secteurs s'agissant de la croissance des résultats.

EMBÛCHES

Certains analystes ont commencé à recommander des ajustements de portefeuilles dans l'anticipation d'une baisse de Wall Street.

Lundi dernier, les stratèges de Morgan Stanley pour le marché américain ont relevé leur opinion sur la consommation de base et les télécoms à "pondération neutre", après avoir déjà rehaussé les services aux collectivités à "surpondérer" en juin. Ils ont à l'inverse dégradé le secteur technologique, qui pèse plus de 25% du S&P, à "sous-pondérer".

"Nous nous attendons à un chemin parsemé d'embûches sur les prochains mois", abonde Keith Lerner, stratège boursier de SunTrust Advisory Services à Atlanta, qui en mai a renforcé l'exposition d'un de ses portefeuilles à l'immobilier.

"Avoir en parallèle des stratégies de dividende devrait apporter un peu d'équilibre."

Les plus optimistes pensent que le retour en grâce des valeurs défensives ne durera pas, les cycliques reprenant le dessus à la faveur des publications de résultats du deuxième trimestre qui, pour les 500 valeurs du S&P, sont attendus globalement en hausse de 21%. D'autres veulent croire à un accord commercial avec la Chine à l'approche des élections de mi-mandat aux Etats-Unis.

"On a une solide croissance des bénéfices et l'économie continue d'accélérer", résume Emily Roland, responsable de la recherche chez John Hancock Investments à Boston. "Ces secteurs-là (défensifs) ne nous attirent pas."

Même si les résultats du deuxième trimestre impressionnent, Kate Warne, stratège investissement chez Edward Jones à St. Louis, est d'avis que les secteurs défensifs pourraient tirer leur épingle du jeu dans les prochains mois si les marchés restent heurtés. Etant restées à la traîne ces dernières années, les valeurs défensives offrent de la valeur, surtout si les dividendes augmentent, fait-elle valoir.

Et au bout du compte les meilleures performances des valeurs défensives seront bénéfiques à l'ensemble du marché, ajoute Robert Phipps, chez Per Sterling Capital Management à Austin (Texas). Début 2018, la hausse de l'indice S&P-500 a été tirée par quelques valeurs technologiques et de consommation non essentielle comme Facebook, Amazon.com, Netflix ou Alphabet, la maison mère de Google.

"Avec un marché aussi étroit, c'est formidable pour ceux qui font de la sélection (stock-picking) mais c'est dur pour ceux qui jouent les indices", dit-il. "Là on assiste à un élargissement du marché, qui est vraiment utile." (Véronique Tison pour le service français)

Valeurs citées dans l'article : Amazon.com, Facebook, Alphabet, Netflix, PepsiCo