* Damas évoque "une opération pour libérer Alep"

* Pour l'opposition, la trêve risque de "s'effondrer"

* Kerry et Lavrov conviennent d'un nécessaire renforcement de leur coopération

* Des combats près d'Alep, l'OSDH évoque 35 morts en 24 heures (Actualisé avec entretien téléphonique Lavrov-Kerry § 15)

par Tom Perry et Vladimir Soldatkin

BEYROUTH/MOSCOU, 10 avril (Reuters) - L'armée de l'air russe et l'armée syrienne se préparent à une offensive commune dans le but de reprendre la ville Alep aux rebelles, a annoncé le Premier ministre syrien selon des propos rapportés dimanche par l'agence russe Tass, alors qu'un responsable de l'opposition jugeait que la trêve était plus que jamais menacée.

De fait, même si l'émissaire des Nations unies Staffan de Mistura était attendu à Damas dans le cadre du processus diplomatique en cours, l'accord de "cessation des hostilités" négocié par la Russie et les Etats-Unis semble de plus en plus mis à mal.

Entré en vigueur en février dans le but de permettre la reprise des négociations sur les moyens de mettre fin à cinq ans de guerre civile, cet accord a depuis été régulièrement violé, les différents camps se renvoyant mutuellement la responsabilité des combats. Mais les combats en cours au sud d'Alep constituent la plus importante remise en cause de cette trêve à ce jour.

Parallèlement, le processus diplomatique n'a enregistré que peu de progrès faute d'un compromis sur l'avenir du président Bachar al Assad, dont la position a été renforcée ces derniers mois par les soutiens - y compris militaires - de l'Iran et surtout de la Russie.

Le Premier ministre syrien, Wael al Halaki, a déclaré à une délégation de parlementaires russes que les préparatifs de la "libération" d'Alep, plus grande ville de Syrie et capitale économique du pays avant la guerre, étaient en cours. L'agglomération d'Alep est pour l'instant divisée en plusieurs zones contrôlées par le pouvoir ou par l'opposition.

"Ensemble, avec nos partenaires russes, nous préparons une opération pour libérer Alep et contrer tous les groupes armés illégaux qui n'ont pas rejoint ou qui ont rompu l'accord de cessez-le-feu", a dit le chef du gouvernement cité par l'agence Tass.

"L'aviation russe va aider l'armée syrienne dans son offensive terrestre", a déclaré un membre de la délégation russe, Dmitri Sabline, membre de la chambre haute russe, cité par l'agence Ria.

"LE CESSEZ-LE-FEU EST SUR LE POINT DE S'EFFONDRER"

L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) indiquait samedi que des combattants rebelles, y compris des membres du Front al Nosra lié à Al Qaïda, avaient lancé un assaut au sud-ouest d'Alep.

L'accord de trêve ne concerne ni les groupes associés à Al Qaïda, ni l'Etat islamique. Moscou a indiqué que ses avions de chasse avaient frappé des cibles près d'Alep après le retrait de la majeure partie de son dispositif aérien le mois dernier.

Des troupes iraniennes et du Hezbollah libanais combattent aux côtés de l'armée syrienne au sud d'Alep tandis que le Front al Nosra est déployé dans la région non loin de positions rebelles.

Selon l'OSDH, 35 combattants des deux camps ont été tués en 24 heures dans la zone.

Par ailleurs, Bassma Kodmani, membre du Haut Comité des négociations (HCN) de l'opposition syrienne, a évoqué "une détérioration très grave" de la situation au cours des dix derniers jours, ajoutant que "le cessez-le-feu est sur le point de s'effondrer."

Dans un entretien au Journal du Dimanche, elle estime également que la mission américano-russe chargée de la surveillance du cessez-le-feu est "impuissante".

Pour Rami Abdoulrahman, le directeur de l'OSDH, "à Alep, on assiste à un véritable effondrement de la trêve".

Au cours d'un entretien téléphonique, John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov sont convenus dimanche de la nécessité de renforcer la coopération entre les Etats-Unis et la Russie pour faire tenir cette "cessation des hostilités", rapporte le ministère russe des Affaires étrangères.

L'OSDH a également fait état de combats dimanche entre forces gouvernementales et rebelles près de Douma, une ville située au nord-est de Damas et ajouté que des hélicoptères des forces gouvernementales avaient largué des barils d'explosifs sur des zones tenues par les rebelles au nord de Homs.

Staffan de Mistura, l'émissaire de l'Onu, était attendu à Damas dimanche soir et il doit y rencontrer lundi des dirigeants syriens.

Il a annoncé jeudi son intention de se rendre à Damas puis à Téhéran et de consulter d'autres pays de la région pour tenter de trouver un terrain d'entente en vue du règlement de la crise syrienne, avant la reprise des discussions entamées à Genève, repoussée au 13 avril.

C'est le 13 avril également que le gouvernement syrien prévoit la tenue d'élections législatives, un scrutin qualifié d'illégitime par un porte-parole de l'opposition.

"Je ne sais pas comment ils peuvent réellement annoncer des élections en Syrie. A Idlib, à Alep, à Daïr az Zour ou à Homs, comment les gens pourront-ils aller voter ?", a dit Salim al Mouslat. (avec le bureau de Dubaï; Pierre Sérisier et Marc Angrand pour le service français, édité par Henri-Pierre André)