Paris (awp/afp) - Sur les marchés mondiaux, l'année 2023 s'achève sur la consécration du blé russe, disponible en quantité et à moindre prix, laissant l'Europe loin derrière, alors que côté oléagineux, le soja américain se tasse avant la déferlante brésilienne.

"On constate le retour des acheteurs sur la scène internationale, mais le blé européen, et en particulier français, n'en profite pas, toujours pas compétitif par rapport aux offres russes", indique Sébastien Poncelet du cabinet Agritel (groupe Argus media).

Le marché du blé a été animé par de nombreux appels d'offres ces derniers jours, de la Thaïlande à la Tunisie, avec deux gros achats, l'un de l'Arabie saoudite pour 1,35 million de tonnes de blé meunier et l'autre de l'Egypte, pour 480.000 tonnes: "A priori tous raflés par la Russie", selon Damien Vercambre, du cabinet Inter-Courtage.

Le dernier achat de l'Egypte, gros consommateur de pain, montre à quel point la Russie domine le jeu, détaille-t-il: charges et fret compris, la tonne de blé a été adjugée entre 284,9 et 287,4 dollars selon les lots, un prix imbattable quand le blé roumain était offert au mieux à 288,98 dollars la tonne et le blé français à 299,71 dollars la tonne.

Sur le marché européen, le cours du blé était en baisse mercredi, sous la barre des 223 euros la tonne sur l'échéance de mars, la plus échangée.

"On s'approche du plus bas de la campagne actuelle et cela semble toujours insuffisant pour relancer le marché côté européen", constate M. Poncelet.

Le raffermissement de l'euro face au dollar n'aide pas les blés européens, et les agriculteurs rechignent à vendre à des prix qui se rapprochent de leurs coûts de production. Dans ce contexte, la légère remontée des prix du grain russe ne change rien à sa compétitivité, souligne-t-il.

Pas de facteur mer Rouge

Sur Euronext, le maïs, "très suiveur du blé", a plongé depuis quatre jours sous la barre symbolique des 200 euros la tonne sur mars: "On retrouve le niveau de prix de juillet 2021 sur l'échéance la plus échangée", relève M. Vercambre.

Le prix du grain jaune pâtit d'une offre mondiale confortable et notamment venant d'Ukraine. En dépit de la perte de certains territoires et de la poursuite des combats, le pays devrait récolter plus de 30 millions de tonnes de maïs en 2023-24, retrouvant son niveau de 2020-21, avec de meilleurs rendements.

Le maïs américain est aussi à la peine: "Le marché cherche un plancher", selon Dax Wedemeyer, de US Commodities. Les fonds d'investissement "sont toujours massivement positionnés à la baisse et ne voient pas de raison de changer", alors que les prévisions météorologiques annoncent de la pluie au Brésil dans les plus importantes régions de production comme le Mato Grosso (33% de la production).

Les analystes américains estiment par ailleurs que la situation en mer Rouge - avec des attaques de rebelles yéménites contre des navires marchands sur une route qui voit transiter 12% du commerce international - n'a que très peu ou pas d'impact sur les cours des matières premières agricoles.

La remontée des prix du pétrole n'a eu que peu de répercussions sur les oléagineux (soja, colza, tournesol), dont une large part est transformée en agro-carburant.

"Ce qui compte, c'est que les exportations (américaines) ralentissent, que ce soit pour le maïs, le soja ou le blé", estime Dewey Strickler, de Ag Watch Market Advisors.

Dans un marché ralenti à l'approche des fêtes, "il n'y aura pas d'entrain dans les échanges avant le début de l'année prochaine. En début d'année, on refera le point et on verra à quoi ressemble la récolte au Brésil", indique-t-il.

Il relève que les exportations américaines de soja ont davantage chuté que celles de maïs.

De manière générale, les oléagineux sont sous pression. Le ministère canadien de l'Agriculture a récemment relevé son estimation de production pour le canola (colza OGM) et l'Ukraine devrait produire 14,5 millions de tonnes de tournesol, davantage qu'au cours de la campagne de 2020/21, la dernière avant l'invasion russe.

Et la récolte brésilienne de soja s'annonce exceptionnelle en dépit de la sécheresse des derniers mois, avec des prévisions d'exportation record, de près de 100 millions de tonnes.

Pour le cabinet Agritel, le principal facteur de soutien des prix du soja vient d'Argentine, où le nouveau gouvernement envisage de maintenir les taxes à l'exportation pour préserver ses rentrées budgétaires.

afp/rp