* Annan demande au Conseil de sécurité d'exercer une "pression conjointe"

* Deux projets de résolution distincts

* Les Russes ne veulent pas d'un texte placé sous le chapitre VII

* Pékin approuve l'idée d'Annan d'impliquer l'Iran (Actualisé projet britannique, ambassadeur syrien § 2-6-7-15-16)

par Michelle Nichols

NATIONS UNIES, 12 juillet (Reuters) - Kofi Annan, l'envoyé spécial conjoint de l'Onu et de la Ligue arabe en Syrie, a demandé mercredi au Conseil de sécurité des Nations unies d'expliquer "clairement" au gouvernement syrien et à l'opposition qu'ils s'exposeraient à des "conséquences" s'ils n'appliquent son plan de sortie de crise.

Mais le Conseil de sécurité, où deux projets de résolution sont en circulation, l'un à l'initiative de la Russie, l'autre proposé par la France et la Grande-Bretagne avec l'appui des Etats-Unis et de l'Allemagne, diverge sur la nature de ces "conséquences".

Quand les Occidentaux insistent pour que le régime de Bachar al Assad soit menacé de sanctions, Moscou souligne qu'elles ne devraient être évoquées qu'"en dernier recours".

Le Conseil de sécurité doit en outre prendre une décision sur l'avenir des 300 observateurs de la Misnus, la Mission de surveillance des Nations unies en Syrie, avant le 20 juillet, date d'expiration de leur mandat de 90 jours.

D'après l'ambassadeur de Grande-Bretagne aux Nations unies, Mark Lyall Grant, Kofi Annan, qui rendait compte par visioconférence de sa tournée diplomatique à Damas, Téhéran et Bagdad, "a demandé aux membres du Conseil de sécurité de mettre de côté leurs intérêts nationaux et d'exercer une pression conjointe et soutenue sur les deux parties avec de claires conséquences en cas de non conformité".

DONNER DES MOYENS À ANNAN DE FAIRE APPLIQUER SON PLAN

La Grande-Bretagne avec l'appui de la France a fait circuler mercredi soir son propre projet de résolution qui prolongerait le mandat de la Misnus et placerait le plan Annan sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies, autorisant tous les moyens, y compris militaires, pour faire appliquer ce processus de sortie de crise élaboré par l'ancien secrétaire général des Nations unies.

Il menace notamment le gouvernement syrien de sanctions si, dans les dix jours suivant l'adoption de la résolution, il ne met pas un terme à l'emploi d'armes lourdes et ne retire pas ses troupes des villes.

"Nous devons appuyer M. Annan, lui donner les moyens de faire pression sur les parties, afin que très rapidement, dans les jours qui viennent, les parties, et notamment le gouvernement syrien, mettent en oeuvre ses engagements", a souligné Gérard Araud, représentant permanent de la France auprès des Nations unies.

Susan Rice, son homologue américaine, a abondé dans le même sens. "Notre opinion est que le Conseil doit placer ce plan sous chapitre VII, faire bien comprendre qu'il est contraignant", a-t-elle dit.

Ce projet de résolution contre le texte que les Russes ont présenté mardi et qui ne renvoie pas au chapitre VII de la Charte. (voir )

"Kofi Annan ne nous a pas demandé de mettre en oeuvre des sanctions", a souligné le numéro deux de la délégation russe à l'Onu, Alexander Pankine. "Il a simplement dit que le Conseil de sécurité devrait adresser le signal que ses recommandations et suggestions d'actions doivent être appliquées sous peine de conséquences. Mais 'conséquence' ne signifie pas nécessairement des actions sous tel ou tel chapitre ou tel ou tel article", a-t-il poursuivi.

"Le chapitre VII est en dernier recours, le chapitre VII n'est pas un mécanisme très efficace", a-t-il insisté.

A deux reprises déjà depuis le début de la crise syrienne, la Russie et la Chine ont opposé leur veto à des projets de résolution qui auraient condamné la répression menée par le pouvoir syrien.

"On verra l'unité du Conseil de sécurité au moment du vote", a dit Gérard Araud. "Il y a une négociation et nous espérons que la voix de la raison triomphera aussi à Moscou", a poursuivi l'ambassadeur de France.

QUELLE PLACE POUR L'IRAN ?

L'ambassadeur syrien à l'Onu, Bachar Djaafari, a déclaré de son côté que les pays brandissant la menace de sanctions ne contribuaient pas à la recherche d'une issue au conflit et qu'ils risquaient au contraire de "faire dérailler le plan en six points de M. Kofi Annan".

"Le succès du plan de M. Kofi Annan dépend beaucoup de l'arrêt de l'armement et du financement des groupes armés en Syrie", a-t-il ajouté.

L'un des points sur lesquels le Conseil de sécurité pourrait s'accorder est la recommandation du secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, qui a proposé que la Misnus mette moins l'accent sur le travail de ses observateurs militaires - qui ont suspendu leurs opérations à la mi-juin en raison de l'insécurité - que sur celui de son personnel civil qui se concentrerait sur une solution politique et sur les droits de l'homme.

Lors de son intervention depuis Genève devant le Conseil de sécurité, Kofi Annan a également plaidé une nouvelle fois pour intégrer l'Iran dans la recherche d'une solution en Syrie.

"En Iran comme en Irak, les gouvernements se sont engagés à soutenir le plan en six points. Ils ont apporté leur soutien à l'idée d'une transition politique, qui sera menée par les Syriens et permettra aux Syriens de décider de leur futur régime politique", a-t-il dit.

Kofi Annan s'exprimait à l'issue d'une tournée diplomatique à Damas, Téhéran et Bagdad, les trois capitales de l'"arc chiite" au Moyen-Orient. (voir )

La Chine a favorablement accueilli mercredi l'idée d'associer l'Iran à la recherche d'un règlement de la crise. "La Chine pense qu'un juste règlement de la crise syrienne ne peut être trouvé qu'avec les pays de la région, en particulier avec l'appui et la participation des pays qui ont de l'influence sur les différentes parties syriennes", a dit Liu Weimin, porte-parole du ministère des Affaires étrangères.

A Washington en revanche, le porte-parole de la Maison blanche, Jay Carney, a réaffirmé mercredi soir que l'implication de l'Iran dans la crise syrienne n'avait été jusqu'à présent "ni productive, ni salutaire". "Nous rejetons l'idée selon laquelle il serait probable que l'Iran puisse jouer un rôle constructif", a-t-il ajouté. (avec Stephanie Nebehay et Tom Miles à Genève; Benjamin Massot, Guy Kerivel, Julien Dury et Henri-Pierre André pour le service français)