(Actualisé avec réaction de la Maison blanche)

par Sui-Lee Wee

PEKIN, 26 janvier (Reuters) - Xu Zhiyong, militant chinois des droits de l'homme menant campagne pour la divulgation du patrimoine des élites du pays, a été condamné dimanche à quatre ans de prison pour avoir "rassemblé une foule afin de troubler l'ordre public".

Sa condamnation est un avertissement sévère adressé aux défenseurs des droits de l'homme.

Le procès de Xu Zhiyong, qui était passible de cinq ans de prison, devant le tribunal intermédiaire n°1 du peuple de Pékin avait débuté mercredi.

Son avocat a annoncé qu'il le rencontrerait dans les deux jours pour décider de faire appel ou non. "Il a dit à l'audience que l'ultime dignité du système judiciaire chinoise avait été détruite", a ajouté Zhang Qingfang.

Xu, qui a enseigné le droit à l'université de Pékin, est l'un des fondateurs du Mouvement des nouveaux citoyens, un réseau informel militant notamment contre la corruption des cercles dirigeants.

Plusieurs centaines de citoyens chinois se sont associés à ses initiatives, selon des militants des droits de l'homme. En mars et avril derniers, des dizaines d'activistes ont manifesté pour réclamer la transparence sur le patrimoine des membres du pouvoir.

"Quand plus de 90% des responsables sont corrompus, qui peut lutter contre cela ? Le mouvement social visant à dévoiler leurs richesses est une initiative pour un changement graduel du système", explique Xu dans l'un de ses écrits.

"HONTEUX MAIS TRISTEMENT PRÉVISIBLE"

Depuis dix mois, le Mouvement des nouveaux citoyens est dans le viseur des autorités. Une vingtaine de personnes ayant participé à cette campagne pour la transparence ont été arrêtés.

Les Etats-Unis ont critiqué la condamnation de Xu.

"Les autorités chinoises devraient immédiatement libérer Xu et les autres prisonniers politiques et respecter leurs engagements internationaux dans le domaine des droits de l'homme", a réagi Susan Rice, conseillère à la sécurité nationale du président Barack Obama, sur Twitter, en se disant "profondément déçue".

"C'est un verdict honteux mais tristement prévisible", a commenté Roseann Rife, directrice de recherche d'Amnesty International pour l'Asie de l'Est. "Les autorités chinoises ont une nouvelle fois opté pour le règne de la peur contre l'Etat de droit. La persécution de ceux qui sont associés au Mouvement des nouveaux citoyens démontre à quel point la direction chinoise a peur des appels publics au changement."

Deux autres militants ont comparu en justice jeudi à Pékin. Quatre seront jugés lundi.

Pour Brad Adams, directeur de Human Rights Watch pour l'Asie, ces procès démontrent que contrairement aux affirmations du président Xi Jinping, qui prétend lutter contre la corruption à tous les niveaux, la nouvelle direction chinoise veut avant tout consolider son pouvoir.

"La mise en scène de procès-spectacles de ce type est totalement contradictoire avec le prétendu programme réformiste de Xi", ajoute-t-il.

Agé de 40 ans, Xu s'est rendu célèbre en luttant contre un système de détention arbitraire utilisé par les autorités pour chasser des rues les sans-abri, un système abrogé en 2003.

Il a aussi réclamé un droit égal à l'éducation pour les enfants des travailleurs migrants dans les villes.

Le tribunal, dont il a refusé de reconnaître la légitimité, a rejeté les 68 témoins qui étaient prêts à déposer pour la défense. Les diplomates étrangers n'ont pas eu accès à l'audience.

Pour les milieux dissidents, son procès est d'une ampleur équivalente à celui de Liu Xiaobo, prix Nobel de la paix jugé en 2009 pour subversion après avoir participé à la rédaction de la Charte 08 qui prônait la fin du système de parti unique. Liu a été condamné à onze ans de prison. (avec Ben Blanchard et Jeff Mason; Henri-Pierre André et Bertrand Boucey pour le service français)